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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

est le commerce extérieur le plus favorisé, le plus soigneusement protégé, qui donne de pareils résultats ? Ce but peut être atteint par un gouvernement intelligent qui comprendrait bien les vrais intérêts du pays, et je fais l’honneur au nôtre de le croire capable de vouloir tenter cette grande œuvre. Pour l’accomplir, l’agriculture ne demandera pas le milliard des chemins de fer, elle n’attend qu’une direction et des encouragemens.

Une direction : c’est au gouvernement à s’en emparer en faisant étudier toutes nos rivières sous le rapport de l’irrigation. Qu’une division d’ingénieurs soient chargés sans délai de cette vaste reconnaissance ; ils savent si bien trouver le moindre filet d’eau pour l’alimentation des canaux de navigation, ils trouveront sans peine, à partir de la source d’une rivière, les différens étages de niveau où il faut arrêter l’eau pour en faire profiter les vallées et les plaines qui l’avoisinent. Quand il se présentera des torrens dont les eaux tarissent dans la saison chaude, ils examineront s’il n’est pas possible de les barrer et de faire une réserve de l’excédant de leurs eaux d’hiver et de printemps pour s’en servir dans les temps de sécheresse, ou si au moins on ne peut utiliser ces torrens, même pendant l’hiver, pour les forcer à déposer sur les terres inférieures les limons qu’ils entraînent ; industrie qui enrichit en ce moment le territoire de plusieurs communes de Vaucluse, bordées par la rivière d’Ouvèze.

Les plans et les devis de cette vaste opération ayant été réunis, communiqués aux communes et aux départemens, et approuvés, le gouvernement pourra proposer une loi qui l’autorise à former des associations et à concéder des entreprises pour l’exécution, au moyen d’un secours quand cela sera nécessaire. J’espère que ce mot de secours n’effraiera personne. Si nous sommes les derniers venus, si nous avons eu la discrétion de laisser nos cadets prendre les premiers leur part de la fortune commune, on ne peut vouloir que nous soyons déshérités. Quand on subventionne les chemins de fer, les canaux de navigation, les ports, la pêche maritime, les fabriques de draperie, l’agriculture des colonies, il semble que l’agriculture de la métropole a aussi quelques droits à obtenir de justes encouragemens. Et quelle est celle de ces industries qui puisse rembourser

    plus d’un cinquième de cette quantité (un septième seulement pour la vallée du Rhône) ou 280 milliards, pouvant arroser 28 millions d’hectares. On ne peut pas prétendre à absorber complètement cette quantité d’eau, mais on voit qu’en l’utilisant convenablement, la bonification pourrait s’étendre beaucoup plus que nous le supposons ici.