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fait sans eux, et les plus grands coups ce sont souvent eux qui les donnent[1]. »

Quoi qu’il en soit des vues nouvelles que ce coin de la question, tardivement démasqué, ne peut manquer d’introduire dans l’histoire finissante de la maison de Bourgogne, l’effet des beaux récits de Jean de Muller et de M. de Barante subsiste ; l’impression populaire d’alors y revit en traits magnifiques et solennels que le plus ou le moins de connaissance diplomatique ne saurait détruire. Cette destinée fatale qui pesa sur le malheureux Charles, à mesure qu’on l’approfondira davantage, ne peut même que gagner en pathétique sombre.

Après le succès éclatant de son histoire, M. de Barante dut concevoir quelques autres projets que son talent vif et facile lui eut permis sans doute de mener à fin. La révolution de juillet est venue les interrompre, en le jetant encore une fois dans la vie politique active. Nous noterons pourtant une charmante petite nouvelle de la famille d’Ourika et du Lépreux, intitulée Sœur Marguerite ; échappée à la plume de notre ambassadeur à Turin, en 1834, elle a témoigné de cette délicate variété de goût qu’on lui connaissait, et de cette jeunesse conservée de cœur. C’est l’histoire, sous forme de souvenir, d’une jeune personne, fille d’un médecin d’aliénés, laquelle se prend à vouloir guérir l’un d’eux, l’un des moins atteints, et ne réussit qu’à lui inspirer un sentiment que peut-être elle partage. Il se croit guéri, il la demande à son père qui la refuse. Le père est tué par le jeune homme dans un accès de fureur. Elle-même finit par se faire sœur de charité dans l’établissement où le pauvre insensé achève de mourir[2].

Employé bientôt dans une plus lointaine ambassade et passé de Turin à Pétersbourg, si brillant et si flatteur que fût le succès personnel qu’il y obtint, M. de Barante n’a pas été sans éprouver durant quelques années cette tristesse de voir finir les saisons loin de son pays, loin des relations contemporaines qui furent chères et qu’on me remplace plus. Du moins il a dû à cet éloignement de ne pas assister de près aux déchiremens de ces mêmes amitiés, de n’y

  1. Histoire de la Révolution helvétique dans le Canton de Vaud, par M. J. Olivier (1842).
  2. Sœur Marguerite se trouve au tome III des Mélanges historiques et littéraires de l’auteur (1835).