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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

huitième degré de latitude, et que nos pays agricoles les plus riches sont encore au nord de la capitale. Sans cela, nous aurions mis depuis long-temps les travaux destinés à conduire l’eau par l’irrigation au nombre des travaux d’utilité publique, fussent-ils l’œuvre d’un simple particulier. La législation du Milanais accorde à tout individu le droit de conduire l’eau qui lui appartient partout où il le juge convenable, même à travers la propriété d’autrui, pourvu qu’il paie au propriétaire une indemnité proportionnée au terrain emprunté pour le canal ; les jardins et les maisons de campagne sont seuls exceptés de cette mesure. Ces lois sont réunies dans le recueil publié sous Charles V, et intitulé : Constitutiones Domini mediolanensis, etc. La république de Venise admettait le même droit. Les statuts particuliers qui régissaient la principauté d’Orange étaient bien plus larges encore que cette législation : tout canal de dérivation pouvait, sans indemnité, traverser les propriétés voisines pour servir à l’irrigation. On devait par le plus court chemin le passage à l’eau, comme le code civil admet que l’on doit le passage pour le service des propriétés enclavées. Ces deux lois dérivent du même principe. Chacun doit pouvoir parvenir à son champ pour le cultiver, pour l’amender, pour le récolter ; il doit y parvenir par le plus court chemin et le moins dommageable, et, si je puis traverser la terre de mon voisin pour charrier de la marne, par exemple, pourquoi n’en serait-il pas de même de l’eau, qui est aussi un amendement et le principal de tous ? J’entends bien l’objection, c’est que ce droit n’existe que pour les terres enclavées. Mais pourquoi cela ? Parce que celles où l’on aboutit par un chemin n’en ont pas besoin. Ce qui est vrai pour tout ce qui peut se transporter par les moyens ordinaires ne l’est plus quand il s’agit de l’eau, qui n’a qu’une seule direction à suivre, celle de son niveau. Dans ce cas, le champ est toujours isolé, excepté dans la direction de ce niveau ; il est dans la position de champ enclavé, si on lui ferme cette direction. D’ailleurs, outre cette raison d’équité qui veut que, sans porter préjudice à son voisin ou en l’indemnisant de ce préjudice, chacun puisse jouir de ce qui lui appartient, l’intérêt public commande de protéger des entreprises qui tendent à l’amélioration du sol ; il veut que l’on puisse vaincre le caprice du propriétaire qui, en empêchant une dérivation d’eau, stérilise toutes les propriétés inférieures. Aurait-on quelque scrupule de faire intervenir la loi, s’il s’agissait d’une mine placée sous le terrain de ce propriétaire ? En pareil cas, elle autorise l’exploitant à s’y établir, à percer le sol, à le creuser sous la surface, moyennant indemnité,