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REVUE. — CHRONIQUE.

rancunes, les haines politiques existent à l’endroit du 29 octobre. On ne veut pas seulement l’éloigner, on veut l’abattre. Sans doute il en est plus d’un, parmi ses adversaires, qui se contenterait fort de pouvoir l’éloigner sans bruit, sans combat, par un vote silencieux, caché. Ce sont là les hommes que le ministère a le plus à redouter. Combien sont-ils ? Qu’oseront-ils ? That is the question. Mais à côté de ces hommes prudens, à paroles d’oracle, à figure impassible, grands maîtres en diplomatie parlementaire, le ministère rencontre des adversaires ardens, imprudens même, pour qui la réserve serait un supplice, et le silence est impossible. Ajoutons que M. Guizot n’est pas homme à se laisser étrangler entre deux portes ; il est capable de faire parler, de faire crier même des muets.

Nous aurons donc un grand combat, ou, si l’on veut, un tournoi magnifique car probablement une fois la lutte engagée, nous verrons successivement paraître dans l’arène plus d’un combattant de grand renom. Il est bien difficile de rester sous la tente au bruit des armes, bien difficile de ne pas décider la victoire de ses amis s’ils avancent, de n’en pas couvrir la retraite s’ils succombent.

Quoi qu’il en soit, la question de confiance est nettement posée dans le rapport de la commission. On est entré franchement dans les conditions de notre gouvernement. Nous désirons, dans l’intérêt du pays, qu’on n’en sorte pas. Que la chambre juge le système politique du cabinet, qu’elle se prononce. Le repousse-t-elle ? Qu’une nouvelle administration se forme et nous dise, non tout ce qu’elle fera (ce serait vouloir disposer des circonstances et commander à l’avenir), mais quels sont les points sur lesquels elle s’éloignera des principes et des tendances du 29 octobre. La chambre, au contraire, adopte-t-elle le système actuel ? Qu’il soit alors entendu que c’est le système non-seulement du ministère, mais de la majorité, c’est dire le système de la chambre, le système dont on ne pourrait sortir que par la dissolution, au moyen d’une chambre nouvelle.

C’est ainsi, et ainsi seulement, que le pays pourra enfin être sérieusement gouverné. La chambre des députés commence sa carrière politique. Si elle se coupe en deux, si tout se réduit, de part ou d’autre, à cinq ou six voix de majorité, la chambre s’annule et frappe en même temps d’impuissance tout cabinet, quel qu’il soit. Elle pourra alors tout faire, hormis le bien du pays. Le pays comprendra l’impuissance de la chambre, et si les dernières élections ont amené près de cent députés nouveaux, les élections prochaines pourraient bien en amener deux cents. Le débat qui va s’ouvrir décidera donc de l’avenir politique de l’assemblée. Ce que nous désirons avant tout, c’est une majorité incontestable ; c’est que la chambre brise ou consolide, sans équivoque, sans incertitude, son alliance avec le ministère. Qu’il ait pour lui 30 voix au moins de majorité, ou qu’il succombe. Sans cela, la lutte recommencera demain ; la question ministérielle reparaîtra dans tout débat de quelque gravité. Nul ne désespérant du succès, les partis seront toujours sous les armes ; il n’y aura ni paix ni trêve. Aux dépens de qui ? Du pays. Nous au-