Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/887

Cette page a été validée par deux contributeurs.
881
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

et à peine eut-elle aperçu Voutchitj qu’elle accabla d’injures cet ancien ennemi de sa famille. Déjà le général cédait comme un enfant au premier mouvement de sa colère, quand, voyant la princesse fondre en larmes, il jura de faire évader Miloch. En effet, déterminé par ses instances, le sénat se rendit, dès le lendemain matin, près du prince captif pour lui annoncer que, conformément aux désirs de Voutchitj et du consul russe, on voulait bien le laisser partir sans exiger de lui aucune restitution. Pendant ce temps, toute la diète, réunie autour de la cathédrale, après avoir entendu la messe de l’aurore, écoutait un pathétique discours du métropolite, qui exhortait l’assemblée au pardon et la suppliait de se contenter de l’abdication du prince en faveur de son fils aîné Milane. Long-temps les kmètes ne répondirent que par des refus obstinés : furieux de voir le tyran leur échapper sans avoir rien restitué à tant de malheureux plongés dans la misère, les députés exigeaient qu’au moins la dynastie fut abolie ; mais on leur rappela que le texte du bérat était formel : les empereurs avaient garanti l’ordre de succession. D’ailleurs l’héritier de Miloch était généralement aimé. Une députation de la diète avec les évêques, les juges, l’état-major de l’armée et les sénateurs, se rendit donc au konak pour recevoir des mains du prince l’acte de sa démission. À la deuxième heure du jour (dix heures du matin), Miloch descendit vers les députés jusqu’au bas de l’escalier, et leur remit, sous le titre d’otretchenié (abdication), l’acte que nous traduisons ici :

« Au sénat, aux différentes autorités, au clergé et à toute la nation serbe, je déclare que, ma santé détruite par les soucis de tant d’années consacrées au gouvernement de mon pays ne me permettant plus de prolonger mes travaux, j’ai résolu de me décharger volontairement de ma dignité de kniaze et des devoirs qui y sont attachés. C’est pourquoi j’abdique aujourd’hui solennellement et pour toujours en faveur de mon fils aîné Milane, mon héritier et successeur au pouvoir, d’après les termes même du hati-cherif concédé à la nation, et du bérat octroyé à ma personne par le très clément sultan. Le repos et la tranquillité m’étant devenus indispensables après de si pénibles années, je quitte la Serbie à jamais, et n’emporte dans mon cœur qu’une seule consolation, celle de laisser ma patrie libre, calme, unie et prospère à l’ombre d’une puissante protection. Ne sachant pas signer, j’ai fait souscrire par mon plus jeune fils Mi-