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loch, ayant réprimé la révolte, détermina les kmètes de Kousodol, Selevane et autres villages de cette nahia, à venir, en supplians, à sa cour, reconnaître que, depuis cette fatale révolte contre leur père chéri, ils étaient maudits de Dieu, et que leurs champs ne produisaient plus rien. Ils conjurèrent publiquement le kniaze aimé du ciel d’obtenir leur pardon de l’être suprême en les bénissant de nouveau ; ce qu’il fit en présence du métropolite à Pachina-Palanka. Le reste de la nahia ayant imploré la même grace pour faire cesser les fléaux que le ciel, obéissant à une colère de prince, versait sur ces régions, Miloch, nouvel Osiris, descendit lentement la Morava dans une barque pavoisée d’emblèmes religieux. Toute la population de Smederevo et des districts environnans l’attendait au village d’Oseronitsa, où le prince aborda le 29 avril 1834. Sa barque, non encore amarrée au rivage, fut saisie par ceux qui avaient préparé cette honteuse scène et portée triomphalement sur leurs épaules jusqu’à l’église, à travers des prairies inondées, où ils enfonçaient jusqu’aux genoux. Des jeunes filles, dans leurs plus beaux atours, jetaient des fleurs sur les pas du kniaze, que précédait le métropolite Peter avec croix et bannières. Ce même prélat, après la messe, prononça un long sermon sur le droit divin des princes et sur le devoir d’obéir à leurs inévitables décrets. Puis, Miloch se leva et dit : Je vous pardonne à vous tous qui avez offensé et la patrie et moi ; désormais, aimons-nous comme des frères ! — Et tout le peuple de pleurer de joie et d’amour, dit la Gazette d’État.

La fête de la Transfiguration avait eu lieu sans que la Serbie se transfigurât, comme le kniaze l’avait promis. Toutes les questions de réformes étaient oubliées, les employés n’étaient plus occupés qu’à maintenir à tout prix le statu quo et à prêcher au peuple la patience et l’horreur des conspirations, que Dieu maudit d’une manière si évidente, en frappant de stérilité les champs des conspirateurs. Mais l’extinction successive des différentes branches de commerce sous le monopole universel du prince marchand rendait toujours plus difficile l’acquittement des impôts. Les murmures des victimes se changeaient en rugissemens ; Miloch commençait à craindre. Il défendit donc par oukase aux citoyens de porter désormais des armes en public, et le droit de vendre de la poudre ne fut plus accordé qu’à quelques négocians dont il était sûr. La colère du peuple aurait éclaté en dépit de ces faibles précautions, si elle n’avait fait place tout d’un coup à l’attendrissement. On venait d’apprendre la maladie de Milane, fils aîné de Miloch, et le seul de toute la famille princière