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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

gnait l’alliance. Un paysan qui avait enlevé ainsi sa femme fut cité devant le kniaze qui, après une vive remontrance, le renvoya gracié. Peu de jours après, il voit la jeune femme objet du procès ; cette femme était belle. Le tyran débauché révoque aussitôt la grace accordée au mari, le fait revenir, mettre à genoux devant lui, et d’un coup de hache lui fend le crâne.

On le voyait souvent, après avoir jugé, prendre part lui-même à l’œuvre des bourreaux. Amené devant le kniaze, à Kragouïevats, un malheureux, accusé de vol, subissait la question ; Miloch, qui le frappait sans réussir à lui arracher l’aveu du délit, perdit patience et le décapita de ses mains. Un jour, sur la place de Belgrad, il vit un Serbe quereller un marchand turc ; furieux de ce qu’un de ses sujets oubliait à ce point les devoirs de l’hospitalité, il s’élança sur lui, le foula aux pieds, et sous ses bottes ferrées lui écrasa la tête. Malgré son accueil, d’ordinaire si gracieux pour les étrangers, Miloch ne se contenait pas toujours à leur égard, et, avant l’arrivée du consul d’Autriche, plus d’un Serbe autrichien avait dû repasser en Hongrie avec la langue ou les bras coupés. Son ministre des affaires étrangères, le loyal Davidovitj lui-même, n’était pas à l’abri des violences de cet étrange souverain. Un jour que ce ministre lui adressait quelques remontrances, Miloch, furieux, faillit le tuer, et, revenu à lui-même, se contenta, comme par clémence, de le faire jeter dans un cachot, d’où il ne le tira ensuite que parce qu’il avait un absolu besoin de ses services. Il haïssait surtout son ministre de l’intérieur, George Protitj, et son ministre de la guerre, Voutchitj Perichitj le premier à cause de ses richesses, que l’avare tyran disait être mal acquises, le second à cause de l’amour que lui portait le peuple entier, et de la gloire militaire dont il s’était couvert. Mainte fois il avait essayé de le faire périr, mais le héros ne quittait jamais ses armes, et, tant qu’ils lui voyaient des pistolets dans sa ceinture, les plus hardis sicaires n’osaient approcher de Voutchitj. Miloch le raillait souvent de ce que, devenu ministre, il continuait à marcher vêtu et armé comme un haïdouk : « Pardonnez-moi, altesse, c’est que je suis naturellement peureux, » répondait en riant le terrible Voutchitj. Tous ces faits et bien d’autres se racontent encore dans les réunions publiques et privées des Serbes. C’est sur les lieux que nous avons recueilli ces étranges récits de témoins dont la sincérité ne nous paraît pas douteuse.

Aux excès de la vie privée succédaient les tristes comédies de la vie politique. La nahia de Smederevo s’était insurgée en 1825 ; Mi-