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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

kes à cheval ; le peuple devait se confier à cette milice et lui laisser exterminer les derniers haïdouks. La peine de mort ne pouvait être infligée que par le souverain, qui, seul investi de tous les droits du glaive, portait en ses mains la mort et la vie. L’assemblée générale du peuple devait veiller tous les ans à rectifier les abus, fixer l’impôt et répartir le tribut annuel dû à la Porte ottomane.

Cette constitution, dont nous ne citons ici que les principaux traits, prouvait, sous une apparence libérale, à quel point l’ancien champion de la liberté comprenait l’art du despotisme. On ne peut nier cependant qu’à force de couper des têtes, le grand chef ne fût parvenu à établir dans son pays une sécurité parfaite pour les voyageurs ; les objets même qui se perdaient sur les routes étaient apportés aux tribunaux. Un jeune paysan de Verbovats, près Smederevo, ayant assassiné un riche marchand étranger pour s’emparer de son trésor, avoua plusieurs années après, à son vieux père ce crime qui était resté entièrement ignoré. Aussitôt le vieillard saisit son fils et le mène à la skoupchtina, pour tenir le serment qu’il avait fait avec tous les siens de ne plus souffrir aucun criminel dans le pays. Ce nouveau Brutus se nommait Militj. L’obor-knèze, après l’avoir présenté comme un modèle à l’assemblée, lui rendit son fils. Miloch triomphait, car il venait, à force de meurtres, d’obtenir le monopole des rapines dans son malheureux pays.

Dans le but de se justifier des évènemens de 1813, la Russie avait, en 1826, inséré dans les conventions d’Akerman ce passage sur les Serbes : « La sublime Porte mettra immédiatement à exécution toutes les clauses de l’article 8 du traité de Boukarest relatives à la Serbie, laquelle est ab antiquo sujette et tributaire du sultan… Lesdites mesures seront réglées et arrêtées de concert avec la députation serbe de Constantinople dans un délai de dix-huit mois. » Ces conventions, après le délai fixé, ne se trouvant point exécutées, la Russie lança en 1828 une armée vers les Balkans. À cette nouvelle, tous les knèzes serbes se levèrent, demandant à Miloch qu’il les laissât profiter d’un moment aussi favorable pour chasser du pays les dernières garnisons turques. Mais la Russie défendit à l’oborknèze de bouger, et appuya cette injonction des plus sévères menaces. On le sait, et l’exemple de la Grèce en 1831, celui de l’Égypte en 1840, l’ont trop bien prouvé, les plans d’agrandissement de la Russie s’opposent à ce qu’il s’élève en Turquie des états nouveaux qui, dans l’énergie de leur jeunesse, pourraient un jour lui disputer l’héritage du sultan, le commerce de la mer Noire, et entraîner peut-être dans le cercle de leur action