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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

position ni désarmer sans qu’un cabinet européen se portât comme garant du traité qui allait se conclure. Le cabinet de Pétersbourg seul accepta de garantir aux Serbes les conditions qui leur seraient accordées. Mais tout à coup les plans du tsar et ceux de Napoléon se trouvèrent bouleversés. Au lieu d’attaquer Constantinople, le souverain français, voyant Alexandre s’allier avec l’Angleterre, son ennemie, dirigea vers la Russie toutes les forces de l’Occident. Le cabinet russe oublia les Serbes, ou plutôt usa de toute son influence pour les désarmer et les remettre en quelque sorte les mains liées au pouvoir du sultan, qui consentit enfin à signer, en mai 1812, le traité de Boukarest. Par le huitième article de ce traité, la Porte se réservait la possession des places fortes, accordait une entière amnistie aux Serbes, leur garantissait les mêmes avantages qu’à ses sujets des îles de l’Archipel, et leur remettait enfin l’administration intérieure du pays, ainsi que la faculté de lever eux-mêmes les impôts dus au sultan.

La Russie, amie du sultan, voulait alors, de concert avec les Anglais, attaquer par la Serbie et le Tsernogore les corps français de la Dalmatie. Les rives serbes de la Drina se couvraient déjà de magasins russes pour cette expédition ; déjà l’avant-garde moscovite foulait les balkans bulgares, quand le divan se tourna subitement vers la France, et renvoya ses alliés russes au-delà du Danube. Le tsar, ayant fait évacuer la Serbie par ses troupes, dut feindre une inébranlable confiance dans le traité de Boukarest, et quoique la députation serbe de Stambol eût été congédiée avec mépris, il ne parut pas douter que les promesses faites au sujet des Serbes dans ce traité ne fussent près de s’accomplir.

Au printemps de 1813, la guerre sainte des Turcs contre les giaours de Serbie recommença, comme il était aisé de le prévoir. Tserni-George, qui avait déjà repoussé tant d’invasions, qui depuis neuf ans battait l’ennemi en toute rencontre, devait craindre moins que jamais ; il avait cent cinquante canons en bon état, sept citadelles en pierre, quarante forteresses en terre ; la population de la Serbie, par les émigrations des provinces voisines, s’était doublée. À l’appel de son héros, elle se leva tout entière avec enthousiasme : Mladen mena dix mille braves vers Nicha et la Morava, Sima dix mille autres vers la Bosnie et la Drina, et le dictateur réunit à Iagodina une armée de réserve. Mais à Belgrad, le consul russe Nedoba ayant protesté de toutes ses forces contre ces préparatifs militaires, le sénat, qui lui était tout dévoué, ordonna de licencier les troupes. Se fiant à la pro-