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tains la guident, et elle agit. Rien de mieux que cette rapidité dans la répression ; c’est déjà une garantie précieuse pour la sécurité publique. Cependant serait-il impossible d’obtenir ce résultat par des mesures préventives, et d’empêcher l’exécution du crime en intervenant à propos ? Si la loi n’autorise pas l’arbitraire, même vis-à-vis des hommes qui conspirent contre la société, la police, sans sortir du cercle légal, a des moyens d’action sur les chefs de bandes, sur les malfaiteurs les plus audacieux. Ils sont, en leur qualité de libérés, soumis aux servitudes de la surveillance, et comme tels ils peuvent être exilés des résidences où ils deviennent trop dangereux. Peut-être serait-il convenable aussi d’emprunter à la police de Londres quelques détails d’organisation d’une efficacité éprouvée. Les combinaisons y sont en général prises dans le sens préventif ; on y voit l’intention arrêtée d’apporter des obstacles aux délits et aux crimes. Il est vrai que, chez nos voisins, ce service est établi sur la plus grande échelle, et qu’il emploie un personnel imposant ; mais pour tout ce qui touche à la sécurité et à la moralité publiques, il faut savoir se défendre de mesures incomplètes et d’économies mal entendues. Nul argent ne saurait être mieux placé que celui-là, et ce que l’on ajoute à la surveillance est autant d’épargné au budget des prisons et aux allocations pénitentiaires.

C’est vers ce dernier point que l’on doit surtout appeler l’esprit de réforme. Depuis que le régime des bagnes et des maisons de détention a été amélioré, ce séjour n’inspire plus au malfaiteur ni répugnance, ni crainte. L’emprisonnement a perdu tout caractère d’intimidation : on le considère comme une halte dans le crime. Dans cette enceinte où fermentent tant d’immoralités, s’ourdissent des complots qui éclateront à l’expiration de la peine. On y aiguise le poignard qui accomplira un nouveau meurtre, on y tient école des moyens d’effraction et d’escalade qui accompagneront les attentats contre les propriétés et contre les personnes. Là se forment ces bandes qui deviennent si redoutables au dehors, ces associations qui constituent une sorte de compagnonnage pour l’assassinat et le vol. Isolées, ces natures seraient dangereuses, et l’on ne craint pas de doubler, en les mettant en contact, leur puissance pour le mal. Ces êtres dépravés ressemblaient à des tirailleurs épars : en les renfermant ensemble, on en fait une armée compacte et disciplinée. Évidemment c’est dans ce système que la criminalité actuelle puise sa principale énergie. Dès qu’un homme a passé dans une maison de détention, sous les yeux et dans la sphère d’influence des meneurs