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de Georgie et d’Alabama, ainsi que la connivence coupable du gouvernement central. Cet ancien président des États-Unis s’est toujours montré le digne successeur des Washington, des Jefferson. Comme eux, il était bien convaincu que, pour égaler l’Européen, le Caraïbe n’a besoin que d’exercer son intelligence ; aussi cherchait-il à répandre parmi eux l’instruction en tout genre. Plus récemment, MM. Gallatin et Crawford, partageant pleinement cette manière de penser, ont essayé, à diverses reprises, d’attirer l’intérêt du congrès sur les peuples indigènes. Le dernier, dans un rapport remarquable, demandait que le gouvernement s’efforçât d’attirer dans le sein de l’Union, par tous les moyens possibles, la population indienne, « plus exempte de vices, disait-il, que celle que nous envoie l’Europe. » Enfin M. Everett demandait à la chambre des représentans de pourvoir à l’éducation des Indiens dans les arts agricoles et mécaniques, de les garantir du contact des marchands qui les volent et les corrompent, de les constituer en confédération sous la tutelle des États-Unis ; mais ces quelques hommes d’élite ont vainement tenté de ramener leurs concitoyens aux sentimens de justice et d’humanité dignes d’une nation qui se dit civilisée. Les bills de M. Everett ont été repoussés : le rapport de M. Bell était passé à une immense majorité.

À une époque où le mot de philantropie se trouve dans toutes les bouches, où cette vertu est presque devenue une profession, nous voudrions pouvoir ajouter que les écrits des Crawford, des Everett, ont eu quelque retentissement en Europe. Nous serions surtout heureux de pouvoir placer les noms de quelques Français à la suite de ceux de Washington, de Jefferson, de Gollatin. Il n’en est rien malheureusement. M. de Castelnau excuse la conduite des États-Unis par la férocité des sauvages. Il oublie que la vengeance seule a poussé les Séminoles aux cruautés qu’il leur reproche ; il oublie qu’on a vu ces barbares, au milieu même de l’ivresse du triomphe et de la vengeance, baisser leur tomahac à l’aspect d’un simple habit de quaker, et rendre ainsi hommage à ce que la tradition leur raconte des vertus de William Penn. M. de Tocqueville, ce peintre si énergique des horreurs de l’esclavage, ne trouve contre les destructeurs des Indiens que quelques lignes d’une froide ironie ; il adopte pleinement une opinion chaque jour invoquée dans le congrès pour justifier les plus atroces persécutions. À ses yeux, les Caraïbes sont incivilisables, et il les proclame incapables de toute modification, de tout progrès, lui qui a rapporté en Europe un numéro du journal imprimé par les Chérokees