Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/772

Cette page a été validée par deux contributeurs.
766
REVUE DES DEUX MONDES.

ce territoire, on y comptait un nombre considérable de villages et cinquante-cinq villes principales, chefs-lieux d’autant de tribus. Parmi ces petites capitales aujourd’hui détruites, il s’en trouvait où le nombre des habitans atteignait le chiffre de quinze cents à deux mille. Les édifices qui composaient ces grands établissemens n’étaient rien moins que de simples huttes. C’étaient de véritables maisons à deux étages, construites avec des troncs d’arbres faute de pierres, et bien supérieures aux log-house des colons anglais. Chacune d’elles avait son jardin où l’on récoltait quelques légumes ; mais les terrains à maïs étaient ordinairement à quelque distance de la ville. Là chaque famille avait son champ, et, bien que les travaux de culture se fissent en commun, chacun recueillait et emmagasinait le grain venu sur sa portion de terre. Les chefs prélevaient seulement une certaine quantité de la récolte pour un grenier public destiné à parer aux besoins imprévus. Ce grenier était attenant à la chambre du conseil, vaste rotonde où les guerriers seuls avaient le droit d’entrer, et d’où les femmes étaient bannies sous peine de mort.

À certaines époques, les députés de toutes les peuplades s’assemblaient pour délibérer sur les intérêts généraux de la confédération. Lorsque le sujet de la réunion était de nature pacifique, on choisissait pour lieu de rendez-vous la ville d’Apalachucla située au confluent de la Flint et de la Chattaoutchi. Cette capitale était consacrée à la paix, et il était défendu d’y verser le sang humain. À quatre lieues au nord, sur les rives de la Chattaoutchi, se trouvait Coweta, la ville de sang. C’était là que se décidaient les grandes expéditions militaires et qu’on exécutait les criminels ou les prisonniers condamnés à mort à titre de représailles. Chaque tribu reconnaissait un chef suprême, décoré du titre de mico : à lui appartenait le gouvernement civil, l’administration du grenier public, le droit de convoquer et de présider le conseil, de recevoir les étrangers et les ambassadeurs. Après lui marchait le grand chef des guerriers, dont le pouvoir entièrement indépendant s’étendait sur toutes les affaires militaires. Ni l’un ni l’autre n’agissait jamais sans consulter le conseil des vieillards.

Les Creeks adoraient le grand esprit, et, comme les autres peuples de l’Amérique du Nord, croyaient aux prairies bienheureuses. Leurs mœurs étaient douces et pures. S’ils laissaient aux femmes seules les soins du ménage et le travail des champs, du moins ils les traitaient avec bonté, et un guerrier aurait cru se déshonorer en les frappant. Ils enlevaient la chevelure de l’ennemi tombé sous leurs coups, mais