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du haut des airs, le frappe de son bec redoutable, le force à lâcher sa proie, et s’en saisit avec adresse avant qu’elle soit retombée dans l’eau.

La classe des mammifères, celle des reptiles, ont aussi de nombreux représentans dans la Floride. Des troupeaux de daims parcourent ses plaines désertes. Parfois on les voit fuir avec la rapidité de l’éclair devant une bande de loups affamés ou devant quelque jaguar au pelage tacheté. Celui-ci remplace le tigre dans les savanes de ces contrées ; mais, bien moins à redouter que son frère d’Asie, il semble ignorer sa force prodigieuse et ose rarement braver les regards de l’homme. Plusieurs grandes espèces d’écureuils s’élancent de branche en branche poursuivis par les chats sauvages : leur agilité fait ressortir encore plus la gêne et la lourdeur des mouvemens de l’ours noir, qui partage avec eux ces retraites aériennes. Au-dessous s’agitent dans l’herbe le hideux serpent à sonnette, le serpent noir, qui fait la chasse au précédent sans craindre ses redoutables crochets, le serpent de verre, dont le corps se brise au moindre choc. Sur le bord des lacs, des rivières, la grenouille mugissante fait entendre sa voix de taureau, et l’alligator lui répond par ses rugissemens. Ce reptile, qui représente en Amérique le crocodile de l’ancien monde, serait pour l’homme un ennemi d’autant plus redoutable, qu’une cuirasse impénétrable le met à l’abri de ses armes ; mais, timide et farouche plutôt que féroce, il n’attaque presque jamais, et souvent les Indiens traversent à la nage des fleuves où fourmillent ces gigantesques sauriens.

Le climat de la Floride est très chaud dans l’intérieur des terres, mais sur les côtes il est des plus tempérés. Dans l’île de Key-West, placée vers le point le plus méridional, le thermomètre s’élève rarement au-dessus de trente degrés centigrades, température que dépassent souvent nos étés de la Provence. On compte les années où le mercure descend au-dessous de zéro. Malheureusement, ce climat si doux n’en est pas moins meurtrier. Les villes de Pensacola et de Saint-Augustin sont célèbres, il est vrai, par la pureté de l’air qu’on y respire, et tous les ans bon nombre de phthisiques viennent y passer l’hiver ; mais partout ailleurs la saison chaude ramène annuellement des épidémies redoutables même pour les enfans du pays, et la fièvre jaune étend quelquefois ses ravages jusqu’au nord de la province. Si nous comparons avec M. de Castelnau la mortalité du nord et du sud des États-Unis en prenant pour limite la latitude de Washington, nous trouverons qu’il meurt dans le nord environ trois personnes