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l’appui des États-Unis leur assurerait la victoire. Un moment ils ont pu croire que les graves sujets de mésintelligence qui régnaient entre les deux gouvernemens amèneraient une guerre et faciliteraient leur émancipation. Le traité récemment conclu a dû leur enlever cette dernière espérance. Mais la fortune a ses reviremens soudains : nos frères du Canada doivent se tenir prêts. Et si jamais la lutte recommence, puisse le sort des armes leur être favorable ! Puissent-ils, à côté des états qui représentent l’Angleterre au-delà des mers, constituer une France américaine !

II.

Dans la civilisation future de l’Amérique septentrionale, les États-Unis apporteront l’élément industriel et commercial : l’élément intellectuel viendra surtout du Canada. Ce dernier trouvera promptement des auxiliaires au sud de l’Union. La race virginienne, par son oisiveté même, se trouve placée dans les circonstances les plus favorables à la culture de l’esprit. Elle aussi s’étend et gagne du terrain. Lorsque ses fils s’éloignent dans la direction du nord-ouest, et pénètrent dans le Tennessee, dans le Kentucky, ils se mêlent aux descendans des Yankee, et, contraints de mener le même genre de vie, ils perdent leurs traits les plus caractéristiques. En revanche, le type virginien se prononce de plus en plus à mesure que la population s’étend vers le sud. C’est là sa véritable patrie. Si nos prévisions sont justes, si les Français du nord et les Anglo-Américains du sud doivent un jour se donner la main pour une œuvre commune, il y a un intérêt bien grand à suivre dans leur développement les états directement peuplés par ces derniers.

À ce titre, la Floride surtout mérite toute notre attention. Naguère entièrement occupée par les tribus sauvages, cette province n’est réellement ouverte aux Européens que depuis un petit nombre d’années. Jetée à l’extrémité de l’Union, entièrement entourée par la mer ou par les populations virginiennes de la Georgie et de l’Alabama, elle ne se peuple, pour ainsi dire, que du trop plein de ces deux états. Privée de ces grands fleuves qui pénètrent jusqu’au cœur des continens, et, par la facilité des communications, amènent le mélange des populations riveraines, elle ne peut que donner naissance à une race pure, destinée sans doute à jouer en Amérique le rôle qu’ont rempli en Europe les peuples méridionaux. La Floride offre des rapports