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et que bornent d’un côté la mer Atlantique, de l’autre une triple chaîne de montagnes, les fils émancipés de l’Angleterre ne se contentèrent pas long-temps de ce riche patrimoine. À l’ouest de ces possessions existait un pays immense, connu seulement de quelques chasseurs. Des fleuves larges comme des lacs y serpentaient à travers des forêts sans fin, des prairies sans bornes. Le Caraïbe, libre comme au temps de ses pères, poursuivait dans ces plaines encore inexplorées les troupeaux de daims et de buffles. Mais les pionniers arrivent, la carabine sur l’épaule, la pioche et la hache à la main. Ils franchissent les montagnes, passent les fleuves, et devant eux les forêts tombent, les prairies se couvrent de culture. En vain les guerriers rouges font trêve à leurs vieilles querelles et se liguent contre l’ennemi commun qui s’empare de leur terrain de chasse : le souffle tout-puissant de la civilisation les disperse et refoule leurs tristes débris aux deux extrémités du nouvel empire, au midi dans les déserts de l’Arkansas, au nord dans les savanes glacées de l’Ouisconsins. Point de paix, point de trêve à cette invasion : à peine un flot de pionniers s’est-il fait sa part de terre qu’un flot nouveau arrive, le pousse en avant ou passe par-dessus. Et comme si l’Union américaine ne pouvait suffire à cette prise de possession, voilà que des milliers de colons partent de la lisière des Vosges, des vallées de la forêt Noire, des rivages de l’Irlande, et viennent se mêler aux émigrans de la Nouvelle-Angleterre. Tous ils vont en avant comme poussés par une main invisible, surmontant un à un les obstacles, laissant derrière eux de nouveaux états, et ajoutant chaque année une étoile de plus à la bannière des États-Unis.

Tandis que les pionniers sont à l’œuvre et domptent la nature et les tribus indiennes, les hommes placés à la tête de la jeune république travaillent avec le même bonheur à son agrandissement. Les armes et la politique les servent tour à tour contre les nations européennes. Au nord, la Grande-Bretagne est forcée de céder sur la question des limites. Au midi, la Floride et la Louisiane, ces deux riches fleurons des couronnes d’Espagne et de France, ne font que passer par les mains de l’Angleterre pour aller se fondre dans l’Union. Bientôt viendra le tour du Texas, cet état libre d’hier ; bientôt le golfe creusé comme une immense rade entre les deux Amériques ne sera plus qu’un lac anglo-américain. À ce peuple d’industriels et de commerçans, séparé de ses comptoirs de la mer Pacifique par trois cents lieues de déserts, il faut l’empire du Mexique, et les robustes milices des États-Unis n’auront pas de peine à soumettre les descen-