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LETTRES SUR LA SESSION.

longues discussions et une résistance obstinée de la Porte, ce projet fut adopté par elle, et M. de Bourqueney en informa le gouvernement. M. Guizot lui répondit le 6 janvier 1843 : « Je ne me dissimule point ce que la mesure consentie par la Porte offre d’incomplet et de précaire, notamment par l’exclusion de la famille Scheab du gouvernement de la montagne, contrairement aux droits qu’elle tient du passé, et peut-être aussi contrairement au vœu des populations. »

Le discours de la couronne, prononcé quelques jours après, contenait le passage suivant : « L’accord des puissances a affermi le repos de l’Orient et amené en Syrie, pour les populations chrétiennes, le rétablissement d’une administration conforme à leur vœu. »

La commission reproduisait cette phrase dans son projet et y ajoutait quelques mots qui paraissaient contenir une approbation formelle. C’est à cette occasion qu’un débat assez sérieux s’est engagé. M. David avait revendiqué avec éloquence les droits de la France sur les populations chrétiennes de la Syrie : M. Berryer a proposé de n’emprunter au discours de la couronne que l’annonce de l’affermissement du repos en Orient et de caractériser la nouvelle administration, non comme conforme au vœu des populations, mais seulement comme plus régulière. M. le ministre des affaires étrangères est monté trois fois à la tribune pour combattre cette proposition ; le rapporteur s’est joint à lui : MM. de Valmy, Vivien et Dufaure ont appuyé l’amendement, et deux épreuves par assis et levé étant déclarées douteuses, 206 voix se sont prononcées contre le ministère, qui n’en a obtenu que 203. On a dit, pour atténuer l’effet de ce vote, qu’il n’avait pas porté sur un dissentiment réel et ne contenait aucune improbation du cabinet. Sans en vouloir exagérer la portée, je ne crains pas de dire que les circonstances même dont on se prévaut pour l’infirmer en ont fait la gravité, car dans l’absence d’un intérêt véritable, des dispositions hostiles au ministère pouvaient seules faire adopter une proposition qu’il avait si énergiquement repoussée. Il est vrai que M. Duchatel a défié deux jours plus tard l’opposition de formuler un blâme contre le cabinet, et que ce défi n’a pas été accepté ; mais l’approbation résulte-t-elle du silence, et un ministère peut-il se dire en possession de la majorité parce qu’il n’a pas éprouvé un refus explicite de concours ? Il est d’ailleurs des démonstrations extrêmes qui ne doivent pas être prodiguées ; un ministère prudent n’aurait pas proposé à la chambre d’y recourir, et l’opposition s’est montrée politique et habile en ne répondant pas à cette provocation.

Je ne prétends pas que l’opposition ait la majorité, mais je nie que le ministère la possède davantage, et son maintien ou sa chute ne me paraît en aucune façon résolu par ce qui s’est passé jusqu’ici.

La question ministérielle est donc entière : comment la chambre doit-elle se prononcer ? C’est ce qui préoccupe en ce moment tous les hommes politiques. Il faut, avant tout, que l’incertitude qui règne dans les hautes régions du gouvernement ait promptement un terme : le pouvoir languit et s’affaisse au milieu de ces perpétuelles hésitations, et le premier besoin du pays est qu’une