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mettre les relations qui unissent si intimement la France et l’Angleterre. »

Malgré cette réponse, lord Palmerston insiste encore, mais il ne compte plus sur le succès, et sa lettre du 19 avril 1831 à lord Granville se termine en ces termes : « Si les objections à cette proposition (du droit de visite) devenaient malheureusement insurmontables, il vous est prescrit d’insister de la manière la plus vive auprès du gouvernement français pour qu’il envoie, sans délai, des vaisseaux chargés de faire exécuter les lois de la France sur tous les navires portant son pavillon. On ne peut prévoir aucune objection à une telle proposition ; les vaisseaux de sa majesté britannique recevraient ordre de coopérer cordialement avec l’escadre française, et, il ne peut exister aucune raison d’en douter, les efforts unis de la France et de l’Angleterre atteindraient promptement le but pour lequel les deux pays se sont mutuellement liés par de solennels engagemens. »

Aucune objection ne vint en effet de la France. Le ministre de la marine prit sur-le-champ les mesures réclamées. Depuis un an, les circonstances avaient fait négliger la station d’Afrique. Il n’y était resté que la canonnière-brick la Bordelaise, mais on fit partir le 9 juin le brick le Cuirassier, et le 12 juillet la corvette la Bayonnaise, et une escadre composée d’une frégate et de trois autres bâtimens légers fut disposée pour s’y rendre à la fin de septembre.

Lord Palmerston comprenait, par la réponse si explicite du comte Sébastiani, qu’il fallait renoncer au droit de visite. Une motion sur la traite et sur les mesures qu’elle avait motivées était annoncée au parlement ; il en obtient l’ajournement et écrit le 15 juillet à lord Granville pour qu’il s’informe des ordres donnés par le gouvernement français afin de renforcer la croisière d’Afrique : « Nous serions bien charmés, dit-il en terminant, que votre réponse nous permît d’affirmer que le gouvernement français n’a négligé aucun moyen, compatible avec la déférence due aux sentimens nationaux, de coopérer aux longs et persévérans efforts que le gouvernement britannique n’a cessé de faire pour épargner aux nations civilisées du globe l’opprobre d’un tel trafic. »

L’Angleterre acceptait alors le refus de la France et ne songeait plus à le combattre ; mais le mois de septembre vit arriver à Paris le nouveau ministre des États-Unis, M. Rives, et un missionnaire officieux de la cause de l’abolition, M. Irving ; l’un et l’autre pressèrent de nouveau le gouvernement français de prendre des mesures contre la traite. On sait que les États-Unis, bien que possesseurs d’esclaves, mais dont la population noire se recrute et se développe à l’aide de la reproduction indigène, se sont constitués les adversaires de la traite, dont la suppression nuit aux établissemens des Antilles, leurs rivaux. L’arrivée de ces deux auxiliaires prêta de nouvelles forces à l’agent anglais et donna à ses démarches un caractère moins politique et plus philantropique. Les abolitionistes crurent leur cause engagée dans le