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LETTRES SUR LA SESSION.

de visite qui ne peut s’exercer sur les bâtimens de chaque nation qu’avec le mandat de cette nation ; d’un droit de visite qui s’exerçait par tous les croiseurs d’une même nation, ils ont fait un droit de visite limité quant au nombre des croiseurs ; d’un droit de visite qui s’exerçait dans toute l’étendue des mers, ils ont fait un droit de visite restreint à certaines zônes ; ils l’ont entouré de garanties, et ils ont rendu aux tribunaux de chaque nation le jugement des bâtimens de cette nation. »

M. Dupin a déjà démontré que le droit de visite concédé par les traités de 1831 et 1833 est autre que celui qui s’exerçait antérieurement, et dans les dernières discussions du parlement d’Angleterre, M. Peel a reconnu à son tour cette distinction entre la simple vérification de la nationalité du pavillon par l’examen des papiers de bord, qui constitue le droit de visite proprement dit, et l’examen du vaisseau, l’appréciation de sa cargaison, la constatation de l’équipage, du mobilier, des denrées, des marchandises, qui constituent le droit de recherche, ainsi appelé par les Anglais, right of search, et que nous désignons improprement sous nom de droit de visite.

C’est le premier de ces droits seul qui s’exerçait sous la restauration, et ce n’est pas à celui-là que s’appliquent les conventions de 1831 et 1833 ; elles n’ont porté que sur le droit de recherche, laissant celui de visite ce qu’il était et ne le modifiant en aucune façon. Du reste, il n’est pas exact de dire que ce dernier droit s’exerçât sans contrôle, sans limites, sans garantie, et qu’il eût pour conséquence d’enlever à chaque nation le jugement de ses bâtimens.

Voici quelles étaient les règles établies.

S’il était constaté que le bâtiment visité fût en droit de porter le pavillon français, on le laissait ordinairement libre de continuer sa marche, fût-il chargé d’esclaves, et les tableaux empruntés aux state papers, et publiés par M. le duc de Broglie lui-même, contiennent l’indication d’un certain nombre de bâtimens français ainsi visités et non arrêtés, bien qu’employés à la traite. Mais ils étaient toujours saisis, dans le cas où ils avaient été surpris dans les eaux anglaises, c’est-à-dire sous la juridiction britannique. Si le pavillon français avait été usurpé et que le bâtiment appartînt à une nation engagée envers l’Angleterre par des traités, il était capturé et livré aux tribunaux que ces traités avaient constitués ou désignés. Si enfin un bâtiment français avait été saisi à tort, comme se trouvant dans les parages du royaume uni, il était rendu aux juridictions françaises : c’est la doctrine que M. de Talleyrand établissait dans une dépêche du 23 juin 1831, écrite à l’occasion de la saisie du navire le Philibert, pris par les Anglais en 1826 : « Le gouvernement de sa majesté britannique, disait-il, ne peut se refuser de reconnaître que si le navire le Philibert a été saisi dans des parages indépendans de sa juridiction, comme les renseignemens qui m’ont été transmis semblent le démontrer, l’autorité anglaise, en le soumettant à l’action d’un tribunal anglais aurait violé de la manière la plus positive les droits de souveraineté de la France. Le gouvernement français ne pourrait pas autoriser de pareils actes, et le gouvernement anglais l’a déjà reconnu dans plusieurs occasions