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armée de l’Inde, étaient réduits à manger la chair des animaux qui mouraient tous les jours de faim et de froid. Le 17 décembre, il y avait encore du grain pour deux jours. Le 18, un nouveau fléau vint accabler les malheureux assiégés, la neige ! Elle tomba si abondamment qu’elle couvrit la terre à la hauteur de cinq pouces. « Elle ne disparut jamais depuis, dit le narrateur de ces tristes désastres ; ainsi nous vîmes arriver sur la scène un nouvel ennemi, qui devait devenir plus formidable pour nous qu’une armée de rebelles. »

Des officiers proposèrent au général Elphinstone de se fier à la fortune et de s’ouvrir un passage de vive force jusqu’à Jellalabad ; malheureusement le général ne sut prendre aucune résolution. Ce fut le 2 décembre que l’envoyé anglais se laissa misérablement entraîner au piége que lui tendait l’astucieux chef barbare. Nous emprunterons les détails qui vont suivre à la narration de deux témoins oculaires, les capitaines Mackenzie et Lawrence, qui avaient accompagné l’envoyé.

Un officier anglais, qui était resté caché dans Caboul depuis le commencement de l’insurrection, le capitaine Skinner, vint au camp avec deux chefs porteurs de propositions secrètes de Mahomed-Akbar. Ces propositions étaient : Que le lendemain l’envoyé viendrait à une dernière conférence dans la plaine avec les principaux chefs ; qu’il tiendrait, dans le camp, un corps de troupes tout prêt à faire une sortie, et qui, à un signal donné, joindrait les gens du sirdar (Akbar) et s’emparerait avec eux d’Amenoulah-Khan, l’ennemi le plus invétéré des Anglais. Ici un des émissaires proposa à sir William de lui apporter la tête d’Amenoulah pour une certaine somme d’argent, mais l’envoyé répondit avec indignation qu’il n’était ni dans ses mœurs ni dans celles de son pays de donner de l’or pour du sang. Le sirdar, de son côté, promettait son concours, à la condition qu’il serait fait le visir du shah Soudja, qui resterait roi, et que le gouvernement anglais lui assurerait une pension viagère de 4 lacs de roupies, et lui paierait immédiatement 30 lacs de roupies. L’armée anglaise l’aiderait à soumettre les chefs et quitterait ensuite le pays, mais seulement huit mois après, afin de sauver sa considération.

Ces propositions du sirdar n’étaient qu’un complot tramé avec les autres chefs. La plupart d’entre eux voulaient exécuter loyalement le traité qui les débarrassait pour toujours de l’occupation anglaise. Il est même probable, et ceci peut servir à donner l’explication de la conduite de Mahomed-Akbar, que ces chefs ne tenaient pas beaucoup à l’échange des prisonniers, qui aurait rendu la liberté à l’an-