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LA LITTÉRATURE ILLUSTRÉE.

esprit à l’état de dogme, de texte précis, arrêté, de lettre morte, et quelque chose que l’on voie désormais de lui, on n’éprouvera pas ce bonheur de l’imprévu qui donne toujours un nouvel intérêt aux œuvres d’un même artiste. Ensuite les tableaux de M. Grandville manquent en général d’effet. Aujourd’hui que la couleur de la gravure a fait d’incontestables progrès, M. Grandville a conservé une manière pâle. Il est venu trop tôt, il porte la peine d’une éducation incomplète ; il lui manque, comme à Brascassat, la lumière, qui est la vie du paysage.

Nous n’avons examiné dans les Animaux peints par eux-mêmes que les travaux de M. Grandville, car évidemment l’ouvrage n’a été conçu que pour exploiter, sous une nouvelle forme, le talent populaire du dessinateur. Toute la partie littéraire se réduit à des allusions plus ou moins spirituelles contre la chambre des députés, à des plaisanteries plus ou moins compréhensibles sur les systèmes qui divisent la science. Il semblait que les hommes de talent se trouvaient dépaysés. La malicieuse, l’élégante et la fine bonhomie de Nodier lui a fait défaut pour ses Tablettes de la giraffe ainsi que dans l’histoire du Renard pris au piége. Le premier Feuilleton de Pistolet témoigne de cette facilité qu’a M. Janin de laisser envoler ses feuilles écrites. Quant à la monographie intitulée Histoire d’un Moineau à la recherche du meilleur gouvernement, c’est une galanterie fort désintéressée que l’auteur de Lélia, descendant des hautes sphères qu’il habitait autrefois, a bien voulu faire aux Animaux peints par eux-mêmes. Il leur a officieusement prêté son nom ; par un accès de dévouement que nous ne nous chargeons pas d’expliquer, il a consenti à endosser la traînante et prétentieuse phraséologie de M. de Balzac ; on a compté assez sur l’ignorance des moineaux pour espérer qu’ils ne s’apercevraient pas des différences de style. Si l’on excepte une très mordante et très fine raillerie de certains ridicules littéraires, par M. Alfred de Musset, cette publication n’a que l’esprit très médiocre des petits journaux. En vérité, ce n’était pas la peine de prêter aux animaux si peu d’esprit, qu’ils pouvaient parfaitement le rendre sans être tenus à la moindre reconnaissance.

Nous demandons sincèrement, après avoir achevé la lecture de cet ouvrage, quel peut en être le but littéraire, car nous n’y voyons que des scènes écrites de toute main, sans que nous puissions trouver entre elles aucune loi logique, aucune parenté d’intention. Est-ce une critique de nos vices, de nos ridicules, de nos institutions politiques, de notre littérature actuelle ? Précisément non. Il existe bien