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potisme dans toute l’étendue du mot, il en usera, et nous qui avons déjà assisté quatre fois aux tortures, au morcellement de la Pologne, si Dieu ne vient en aide à ce malheureux pays, nous pourrons bientôt voir la destruction d’un de ses derniers élémens d’indépendance et de vitalité, la chute radicale de ses églises catholiques. Des rives de la Vistule jusqu’aux plages d’Arkangel, des provinces de la mer Baltique jusqu’aux plaines de l’Asie, tout le clergé sera soumis à la volonté absolue du tsar. Le clergé russe est déjà depuis long-temps subjugué, terrassé, incapable par son ignorance, ses vices grossiers et sa misère, de tenter un généreux effort, d’exercer quelque ascendant moral et intellectuel sur les communautés qu’il administre. Le clergé ruthénien a été, comme nous venons de le voir, vaincu par la ruse et la violence. Le clergé catholique de Pologne, qui se distingue par sa noblesse de caractère et son instruction, qui s’appuie sur un peuple nombreux dont il a, dans toutes les époques, soutenu le courage, partagé les malheurs, résiste seul encore avec énergie à l’oppression ; mais s’il n’est soutenu plus efficacement par le pape, qui est son chef principal, par les catholiques d’Allemagne, de France, d’Italie, il succombera aussi dans la lutte inégale où il est engagé. Alors l’empereur de Russie sera le pontife universel de ses immenses domaines ; le couvent de Troïtza sera le temple de la religion impériale, et les colonels de cavalerie seront ses prophètes.


X. Marmier.