Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/644

Cette page a été validée par deux contributeurs.
638
REVUE DES DEUX MONDES.

passages. Nous choisissons de préférence ceux qui se rapportent au clergé, afin de ne pas nous écarter de notre sujet. L’article 4 est ainsi conçu : « Ce n’est point le salut de son ame qu’on va chercher dans les couvens, mais bien le repos et les jouissances corporelles. Les archimandrites traitent dans leurs cellules des convives étrangers ; les moines ont des domestiques ; ils ne rougissent pas de faire venir des femmes ; ils vivent dans la joie et les plaisirs, et dissipent les biens des couvens. Désormais il n’y aura qu’une table dans chaque couvent, les moines devront congédier leurs jeunes domestiques, et s’abstenir de rechercher aucune femme ; ils ne devront avoir ni vin ni hydromel, et ne pourront aller courir les villes et les bourgades pour passer le temps. »

À l’article 12, il est dit : « Le clergé devra veiller particulièrement à ce que certains abus honteux et dignes du paganisme disparaissent entièrement. Ainsi, lorsqu’un combat judiciaire doit avoir lieu, on voit des sorciers prétendre lire dans les étoiles à qui sera la victoire. Ces hommes de peu de foi ont entre les mains d’absurdes livres aristotéliques et astrologiques, des zodiaques, des almanachs et autres ouvrages qui ne sont remplis que d’une science païenne. Le jour de la Pentecôte, ils versent des pleurs, poussent des cris, se répandent dans les cours des églises, hurlant et sanglotant, frappant des mains et chantant des chansons diaboliques. Le matin du jeudi saint, ils brûlent de la paille et appellent les noms des morts ; les prêtres mettent du sel sur l’autel, et cherchent à guérir les malades avec ce sel. De faux prophètes courent de village en village, nus, sans chaussure aux pieds, les cheveux épars ; ils tremblent de tout leur corps, se roulent par terre, et racontent des apparitions de saint Anastase et autres. Des troupes de possédés, qui s’élèvent quelquefois jusqu’à cent hommes, tombent tout à coup dans un village, vivent aux frais des habitans, s’enivrent, et finissent par dépouiller les voyageurs. Les enfans des boyards fréquentent en foule les cabarets, où ils perdent tous leurs biens aux jeux de hasard. Les hommes et les femmes vont ensemble aux bains, et l’on a vu des moines ne pas rougir d’y aller avec des nonnes. On achète, dans les marchés, des lièvres, des canards et des coqs

    dations pour le paradis à prix d’argent et plus ou moins cher, selon le rang et la fortune de ceux qui désiraient emporter un tel sauf-conduit dans leur cercueil. Voici la forme dans laquelle elles étaient ordinairement conçues : « Je soussigné, évêque ou prêtre de…, reconnais et certifie que N…, porteur de ce billet, a toujours vécu parmi nous en vrai chrétien, faisant profession de la religion grecque, et, quoiqu’il ait quelquefois péché, il s’en est confessé et a reçu l’absolution, la communion, et la rémission de ses péchés. Il a honoré Dieu et les saints, il a jeûné et prié aux heures et saisons ordonnées par l’église, il s’est fort bien gouverné avec moi, qui suis son confesseur, en sorte que je n’ai point fait difficulté de l’absoudre de ses péchés et n’ai pas sujet de me plaindre de lui. En foi de quoi lui avons expédié le présent certificat, afin que saint Pierre, le voyant, lui ouvre la porte éternelle. » (British and foreign Review, juillet 1839.)