tendre. Christophe et Jérôme pensèrent que la présence d’une femme au logis imposerait à Jean ; de son côté, Jean pensa que la présence d’une épouse au Coät-d’Or apporterait nécessairement un frein aux déréglemens de Jérôme et de Christophe. Joseph, qui avait compté sur une vive opposition, dut être surpris à son tour de voir avec quelle faveur on accueillait sa proposition.
Ce fut le caporal qui rompit le premier le silence.
— Joseph a raison, dit-il ; il est certain que, si l’un de nous prenait une maîtresse femme qui s’entendît aux soins du ménage, les choses ici n’en iraient pas plus mal ; nos domestiques ont changé le Coät-d’Or en un coupe-gorge ; nous sommes volés comme au coin d’un bois.
— Sans compter, ajouta Jérôme, que, lorsque nous serons vieux et malades, nous ne serons pas fâchés de trouver à notre chevet une petite mère qui nous soigne et nous fasse de la tisane.
— Et puis, s’écria Christophe, ce sera gentil de voir une femme trotter, comme une souris, dans la maison. Ensuite viendront les bambins ; ça crie, ça rit, ça pleure, et, comme dit Joseph, ça vous distrait toujours un peu.
— Ajoutez, dit Jean, que, s’il ne nous pousse pas un héritier, à la mort du dernier survivant notre fortune retourne à l’état.
— C’est pourtant vrai ! s’écrièrent à la fois Christophe et Jérôme avec un mouvement de stupeur.
— Décidément, reprit Jean, ce petit Joseph a eu là une excellente idée. D’ailleurs une femme au logis est toujours bonne à quelque chose ; ça va, ça vient, ça veille à tout.
— Ça raccommode le linge, dit Christophe.
— Et ça donne des héritiers, ajouta Jérôme en se frottant les mains.
— Est-ce entendu ? s’écria le caporal.
— Entendu ! répondirent les deux marins.
Jean se leva d’un air solennel, et, s’adressant à Joseph, qui triomphait en silence et craignait seulement que ses frères ne voulussent se marier tous trois :
— C’est une affaire arrêtée, lui dit-il ; il faut que tu sois marié dans un mois.
— Je te donne mon consentement, dit Christophe.
— Et moi, dit Jérôme, ma bénédiction.
À ces mots, le pauvre Joseph devint pâle comme la mort. Il voulut se récrier, mais la soirée était avancée ; les trois frères levèrent brus-