vrait-il à verse, le pont n’en est pas moins lavé, inondé, épongé, fauberdé, avec le même scrupule et la même minutie.
Au bout de deux jours, le vent tomba, et l’on nous conduisit à terre dans un canot à dix rameurs. L’aspect de Cadix, lorsqu’on vient du large, est charmant. À la voir ainsi étincelante de blancheur entre l’azur du ciel et l’azur de la mer, on dirait une immense couronne de filigrane d’argent ; le dôme de la cathédrale, peint en jaune, semble une tiare de vermeil posée au milieu. Les pots de fleurs, les volutes et les tourelles qui terminent les maisons varient à l’infini la dentelure : Byron a merveilleusement caractérisé la physionomie de Cadix en une seule touche :
« Brillante Cadix, qui t’élèves vers le ciel du milieu de l’azur foncé de la mer. »
Dans la même stance, le poète anglais émet sur la vertu des Gaditanes une opinion un peu leste qu’il était sans doute dans le droit d’avoir. Quant à nous, sans agiter ici cette question délicate, nous nous bornerons à dire qu’elles sont fort belles et d’un type particulier ; leur teint est blanc doré, avec ce grain de marbre dépoli qui fait si bien ressortir la pureté des traits. Elles ont le nez moins aquilin que les Sévillanes, le front petit, les pommettes peu saillantes, et se rapprochent tout-à-fait de la physionomie grecque. Elles m’ont paru aussi plus grasses que les autres Espagnoles, et d’une taille plus élevée. Tel est du moins le résultat des observations que j’ai pu faire en me promenant au Salon, sur la place de la Constitution et au théâtre, où, par parenthèse, je vis jouer très joliment le Gamin de Paris (el Piluelo de Paris) par une femme travestie, et danser des boleros avec beaucoup de feu et d’entrain.
Cependant, si charmante que soit Cadix, cette idée d’être enfermé d’abord par les remparts, ensuite par la mer, dans son enceinte étroite, vous donne le désir d’en sortir. Il me semble que la seule pensée que puissent nourrir des insulaires, c’est d’aller sur le continent. C’est ce qui explique les perpétuelles émigrations des Anglais, qu’on rencontre partout, excepté à Londres, où il n’y a que des Italiens et des Polonais. Aussi les Gaditans sont-ils perpétuellement occupés à faire la traversée de Cadix à Puerto de Santa-Maria et réciproquement. Un léger bateau à vapeur omnibus, qui part toutes les heures, des barques à voile, des canots, attendent et provoquent les vagabonds. Un beau matin, mon compagnon et moi, réfléchissant que nous avions une lettre de recommandation d’un de nos amis