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EL BARCO DE VAPOR.

blanc, c’était la ville. On ne saurait rien imaginer de plus radieux, de plus étincelant, d’une lumière plus diffuse et plus intense à la fois. Vraiment, ce que nous appelons chez nous le soleil n’est à côté de cela qu’une pâle veilleuse à l’agonie sur la table de nuit d’un malade.

Les maisons de Cadix sont beaucoup plus hautes que celles des autres villes d’Espagne, ce qui s’explique par la conformation du terrain, étroit îlot rattaché au continent par une mince langue de terre, et le désir d’avoir la vue de la mer. Chaque maison se hausse curieusement sur la pointe du pied pour regarder par-dessus l’épaule de sa voisine, et montrer la tête au-dessus de l’épaisse ceinture des remparts. Comme cela ne suffit pas toujours, presque toutes les terrasses portent à leur angle une tourelle, un belvédère, quelquefois coiffé d’une petite coupole ; ces miradores aériens enrichissent d’innombrables dentelures la silhouette de la ville, et produisent l’effet le plus pittoresque. Tout cela est crépi à la chaux, et la blancheur des façades est encore avivée par de longues lignes de vermillon qui séparent les maisons et en marquent les étages : les balcons, très saillans, sont enveloppés d’une grande cage de verre, garnis de rideaux rouges et remplis de fleurs. Quelques-unes des rues transversales se terminent sur le vide et paraissent aboutir au ciel. Ces échappées d’azur sont d’un inattendu charmant. À part cet aspect gai, vivant et lumineux, Cadix n’a rien de remarquable comme architecture. Sa cathédrale, vaste bâtisse du XVIe siècle, quoique ne manquant ni de noblesse ni de beauté, n’a rien qui doive étonner après les prodiges de Burgos, de Tolède, de Cordoue et de Séville. C’est quelque chose dans le goût de la cathédrale de Jaën, de Grenade et de Malaga ; une architecture classique avec des proportions plus effilées et plus sveltes, comme l’entendaient les artistes de la renaissance. Les chapiteaux corinthiens, d’un module plus allongé que le type grec consacré, sont très élégans. Comme tableaux, comme ornemens, de la richesse, rien de plus. Je ne dois pas cependant passer sous silence un petit martyr de sept ans crucifié ; sculpture en bois peint d’un sentiment parfait et d’une délicatesse exquise. L’enthousiasme, la foi, la douleur, sont mêlés dans des proportions enfantines sur ce charmant visage de la manière la plus touchante.

Nous allâmes voir la place des Taureaux, qui est petite et réputée l’une des plus dangereuses d’Espagne. L’on traverse pour y arriver des jardins remplis de palmiers gigantesques et d’espèces variées. Rien n’est plus noble, plus royal qu’un palmier. Ce grand soleil de