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REVUE MUSICALE

On aura beau faire, tant qu’il existera un genre bouffe en musique, les Italiens seuls en posséderont le secret. Il y a évidemment dans cet éclat de rire napolitain quelque chose qui vient du soleil, une force exhilarante, comme dirait Molière, dont les autres peuples ne se doutent pas. Quand la muse du Nord s’égaie, vous surprenez dans son sourire contenu je ne sais quels vagues souvenirs de ses mélancoliques habitudes ; c’est toujours plus ou moins le regard attendri d’Ophélie ou de Thécla. Voyez les Noces de Figaro de Mozart : quelle noble réserve et quel ton ! cela ressemble-t-il en rien à l’esprit entraînant de Beaumarchais ? et n’est-ce pas plutôt en musique le style du Misanthrope. Et, pour chercher moins haut, prenez l’Enlèvement du Sérail du même maître et l’Abu-Hassan de Weber ; voilà bien en effet une musique vive, colorée, étincelante de verve et de génie ; mais l’élément bouffe, sympathique, où le trouverez-vous ? Mozart et Weber sont de trop grands poètes allemands pour rien comprendre à cet éclat de rire de Cimarosa, de Fioravanti et de tant d’autres, jusqu’à Donizetti, jusqu’à Ricci. J’appellerai volontiers l’Enlèvement du Sérail ainsi qu’Abu-Hassan de ravissantes imaginations, d’heureuses merveilles de fantaisie et d’art ; mais, quant au genre qu’ils affectent, ces jolis chefs-d’œuvre sont aussi loin du bouffe italien que le Songe d’une Nuit d’été ou la Tempête peuvent l’être des Fourberies de Scapin et de Sganarelle. Le vrai comique est ce qu’il y a de plus classique au monde. Le romantisme n’atteint au rire qu’à la condition de transformer ; le Falstaff de Shakspeare se meut dans une région tout aussi fantastique, tout aussi abstraite que ce personnage à tête de perroquet du