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L’ancien parti progressiste se partage, comme nous l’avons dit, en trois fractions bien distinctes.

La première, qui reconnaît pour chefs MM. Gonzalès et Infante, amis et confidens intimes du régent, se compose de ceux qui se sont partagé les places à la suite du mouvement de septembre, et qui ont porté Espartero à la régence unique ; on les a appelés pour ces deux causes les frères chaussés (calzados) et les unitaires. La seconde, dont les chefs sont MM. Olozaga et Cortina, est aussi composée d’unitaires, chaussés pour la plupart, mais qui, tout en voulant investir de la régence le duc de la Victoire, auraient tenu à servir en même temps le gouvernement représentatif ; ceux-là sont les politiques du parti, ils ont contribué à renverser le ministère Gonzalès et sont les adversaires du ministère Rodil, mais ils ne veulent rien faire qui soit personnellement nuisible à Espartero. La troisième fraction est elle-même un mélange de beaucoup de nuances diverses, elle se compose des anciens trinitaires ou partisans de la régence triple qu’on appelle aussi donanistas ou partisans de la constitution de 1812, de tous les mécontens que le gouvernement militaire a faits depuis deux ans, tels que les déchaussés (descalzos), c’est-à-dire ceux qui n’ont pas eu de places, des Catalans que le traité de commerce et le bombardement de Barcelone ont aliénés sans retour, des rares partisans de l’infant don Francisco, et enfin des républicains proprement dits ; ceux-là sont hostiles au régent lui-même.

La première fraction formait à elle seule la minorité dans la chambre dissoute ; la seconde et la troisième étaient réunies pour former la majorité.

La conduite des deux portions extrêmes dans les élections était d’avance toute tracée ; celle de la portion intermédiaire est plus difficile. M. Olozaga est entre deux écueils. D’un côté, il risque de la confondre avec les ayacuchos purs, de l’autre il risque de tomber dans une opposition trop radicale. Ce dernier danger est celui qui paraît l’avoir le plus frappé ; il n’a pas voulu se laisser conduire par ceux avec qui il marchait depuis un an, et il a rompu la coalition par sa retraite. M. Cortina, quoique engagé un peu plus avant que lui dans l’opposition, l’a suivi. Reste à savoir maintenant ce que va devenir ce tiers-parti dans la mêlée. Sera-t-il détruit dans le choc électoral ? Parviendra-t-il au contraire à dominer les deux élémens qu’il sépare ? M. Olozaga a assez bien mené sa barque depuis l’avénement du duc de la Victoire, pour qu’on doive attendre de lui beaucoup de dextérité en présence des nouvelles difficultés qu’il rencontre. Le juste-milieu qu’il représente est peut-être ce qui concilie le plus d’exigences diverses et également impérieuses ; mais est-il possible ? voilà la question.

Si l’épreuve électorale est délicate pour les exaltés elle l’est plus encore pour l’ancien parti modéré. La première question qu’il a dû se poser était celle de savoir s’il irait aux élections de 1843. Cette question a été discutée dans une grande réunion qui a eu lieu à Madrid. D’un côté, on a soutenu qu’il fallait persister à s’abstenir ; que se rendre aux élections, ce serait reconnaître le gouvernement du régent, qu’il y aurait à la fois un égal danger à