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EL BARCO DE VAPOR.

Après les voyages à dos de mulet, à cheval, en charrette, en galère, le bateau à vapeur nous parut quelque chose de miraculeux, dans le goût du chapeau de Fortunatus ou du bâton d’Abaris. Dévorer l’espace avec la rapidité de la flèche, et cela sans peine, sans fatigue, sans secousse, en se promenant sur le pont, en voyant défiler devant soi les longues bandes du rivage malgré les caprices du vent et de la marée, est assurément une des plus belles inventions de l’esprit humain. Pour la première fois peut-être, je trouvai que la civilisation avait son bon côté, — je n’ai pas dit son beau côté ; — car tout ce qu’elle produit est malheureusement entaché de laideur, et trahit par là son origine compliquée et diabolique. Auprès d’un navire à voiles, le bateau à vapeur, tout commode qu’il est, paraît hideux. L’un a l’air d’un cygne épanouissant ses ailes blanches au souffle de la brise, et l’autre, d’un poêle qui se sauve à toutes jambes à cheval sur un moulin.

Quoi qu’il en soit, les palettes des roues aidées par le courant nous poussaient rapidement vers Cadix. Séville s’affaissait déjà dans le lointain ; mais, par un magique effet d’optique, à mesure que les toits de la ville semblaient rentrer en terre pour se confondre avec les lignes horizontales du lointain, la cathédrale grandissait et prenait des proportions énormes, comme un éléphant debout au milieu