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auraient accueilli avec empressement tout ce qui aurait pu relever la France et l’agrandir ; mais, en dehors de ces nobles sentimens, quelle déplorable impuissance pour comprendre le pays et le conduire !

Au nombre des choses funestes au gouvernement royal rétabli en 1814, il faut mettre en première ligne les passions et les exigences du clergé. L’église abusa de la restauration ; elle s’en fit un instrument pour dominer la société, et comme elle ne trouva pas dans la restauration cette force de résistance que tout pouvoir civil intelligent oppose toujours à l’ambition ecclésiastique, elle l’entraîna dans des entreprises insupportables au bon sens du pays. Autant il importe à un état de posséder une église florissante et jouissant du respect mérité des peuples, autant il est nécessaire que ce ne soit pas l’église qui possède l’état et le mène. La restauration se compromit de la façon la plus grave pour une cause qui n’était pas la sienne : ceux qui, au nom du clergé, lui demandaient sans relâche des concessions nouvelles, pensaient à toute autre chose qu’aux intérêts de la monarchie. Quel royaliste que M. de Lamennais !

Pour avoir été inévitable, la chute de la restauration n’en a pas moins eu de notables inconvéniens. Elle a ébranlé l’ordre social tant en France qu’en Europe ; elle a enflammé les esprits, elle a ramené un moment le goût des révolutions. On a pu un instant prendre le change sur la mission et le génie de notre siècle ; on a pu penser que nous allions recommencer l’histoire des années qui suivirent 1789. La société, remuée jusque dans ses derniers fondemens, laissa monter à sa surface ces passions mauvaises et ces théories folles qui, dans des époques bien ordonnées, manquent de moyens et d’audace pour se produire.

Heureusement les choses ont repris un cours plus régulier et plus calme. Les mouvemens révolutionnaires ont cessé ; les symptômes qui avaient pu faire craindre une guerre générale ont depuis longtemps disparu. Néanmoins, au milieu du développement plus tranquille de ses institutions, il y a pour la société française des causes de faiblesse que le temps n’a pas jusqu’à présent corrigées.

Sous la restauration, le côté droit du pays, le parti royaliste, repoussait de toute participation au gouvernement tout ce qui constituait les forces vives du pays, les banquiers, les industriels, les écrivains, enfin tout ce qui représentait la France nouvelle. Exclusion fatale à ceux qui la prononcèrent !

Or, le côté droit, qui voulait alors le pouvoir pour lui seul, se