Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/445

Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
DISCOURS PARLEMENTAIRES.

Charles X, il se fût fait dans les rangs de l’opposition la même séparation que depuis 1830 : autour du prince exécutant loyalement la charte se seraient rangés les hommes vraiment politiques, et, dans la défense des droits de la couronne, les ministres du centre gauche et de la gauche modérée n’eussent pas manqué à leurs devoirs. Ils auraient accepté la lutte avec la partie la plus vive de l’opposition ; ils l’eussent soutenue avec fermeté. Pour n’avoir pas su ce qu’il y avait dans M. Casimir Périer et dans ses amis de convictions monarchiques, la restauration s’est perdue.

En face d’un ministère du centre gauche et de la gauche, le centre droit et le côté droit eussent repris une énergie nouvelle. Rien ne retrempe comme l’opposition. Que de moyens les royalistes avaient en leurs mains pour reconquérir le pouvoir ! Un habile usage de la liberté de la presse, l’influence du clergé, l’influence de la grande propriété, étaient de redoutables armes. Nous eussions eu alors nos tories et nos whigs solidement constitués les uns vis-à-vis des autres, et peut-être quelques années ne se seraient pas passées sans ramener aux affaires M. de Villèle, successeur naturel de Casimir Périer perdant la majorité.

Ces conjectures rétrospectives n’infirment en rien la nécessité de ce qui s’est fait. La restauration n’a pas vécu, parce qu’elle n’a pas eu la sagesse de vivre. Dans toute péripétie fondamentale qui change la situation d’un peuple, il y a une raison profonde ; la méconnaître, ce serait ôter à l’histoire toute moralité, et n’en faire, pour ainsi parler, qu’une désespérante ironie. Fatale destinée de la maison de Bourbon ! Ce n’est pas à Coblentz, ce n’est pas à Mittau, ce n’est pas à Hartwell, c’est à Paris même, après un retour inespéré, que sa cause est irréparablement perdue. Napoléon est tombé du trône pour lui faire place ; l’empire, élevé par la main du conquérant, s’est écroulé, afin que l’antique royaume de France pût être rendu à ceux qui le revendiquaient comme un patrimoine ; ils habitent le palais de leurs ancêtres, ces princes hier dans l’exil ; tout est calme, la sédition ne gronde pas autour d’eux ; même, en parcourant quelques provinces, ils ont pu entendre des acclamations populaires ; les insensés y répondent en attaquant les droits du peuple, et en trois jours ils perdent la couronne de France entre une partie de chasse et une partie de whist !

C’est que dans cette race l’esprit politique n’habitait plus. Il faut rendre cette justice aux Bourbons, que jusqu’au dernier moment de leur puissance ils gardèrent des instincts généreux et français : ils