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affecter le corps social, le pouvoir était pour lui l’unité nécessaire qu’il importait de sauver. Trois grands gouvernemens ont été tour à tour nécessaires à la France : le gouvernement de Napoléon, celui de la restauration, la monarchie de 1830. M. Pasquier les a servis tous les trois ; ç’a été sa vocation naturelle de mettre son expérience au service de ce qui surgissait du milieu du chaos et des ruines.

On comprendra quelle irritation devait causer aux partis une conduite politique qui ne tenait aucun compte de leurs ardeurs, de leurs haines, de leurs préférences. Le sang-froid de M. Pasquier, la sérénité avec laquelle il marchait à son but, étaient comme une condamnation de leur fanatisme, et ce contraste excitait leur fureur. Les royalistes frémissaient quand ils voyaient M. Pasquier dans les conseils de Louis XVIII. Ils n’admettaient point qu’un ancien fonctionnaire du gouvernement impérial fût un digne serviteur de la monarchie légitime, et ils poursuivaient sans relâche de leurs agressions le ministre qui ne pouvait se laver du tort, impardonnable à leurs yeux, d’avoir été dans les affaires avant le retour des princes. M. Pasquier essuyait ces bordées avec un aplomb qui n’était pas sans dédain. Cependant un jour la patience lui échappa. L’évènement du 13 février 1820 avait, en précipitant du pouvoir M. Decazes, amené le second ministère du duc de Richelieu, qui, pour s’assurer les moyens de gouverner, avait fait entrer dans le conseil MM. de Villèle et Corbière. C’était une première satisfaction, une garantie donnée aux royalistes ; mais elles ne leur suffisaient pas. Les royalistes sentaient leur force, et ils voulaient le pouvoir tout entier. Aussi pendant que leurs chefs étaient déjà dans la place et prenaient position auprès de Louis XVIII, les hommes les plus ardens du parti faisaient au duc de Richelieu et à ses collègues une guerre à outrance, et c’était surtout contre M. Pasquier qu’ils lançaient leurs traits les plus acérés. Dans les derniers jours de la session de 1821, M. de Castelbajac lui adressa à la tribune le plus singulier de tous les reproches ; il l’accusa de ne pas aimer les royalistes : « Oui, disait le fougueux orateur de la droite, M. Pasquier hait les royalistes, il les repousse comme principe ; placé par ses antécédens dans une situation fausse, il ne peut avoir une doctrine, il ne peut professer une opinion sans craindre le Moniteur et d’importuns souvenirs. » Cette véhémente sortie triompha du stoïcisme habituel de M. Pasquier, et le lendemain il répondit au royaliste implacable ; il convint qu’il avait des amitiés aussi bien que des éloignemens politiques, et il se mit à faire l’énumération des unes et des autres. Il commença par ses an-