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DISCOURS PARLEMENTAIRES.

partis, qu’on peut, sans crainte aucune, faire appel à notre curiosité, à notre justice. Même plus la vie d’un homme aura été diverse, ondoyante et variée, plus les innombrables contrastes de notre histoire depuis cinquante ans viendront s’y refléter, mieux nous nous sentirons disposés à regarder avec intérêt les oppositions et les incidens de ce tableau. C’est le caractère de notre époque que l’injustice en matière d’appréciations politiques ne se trouve plus que là où il y a mauvaise foi systématique ou ignorance épaisse. Quant à la passion en elle-même, elle n’est plus assez forte pour interdire l’équité. Nous avons vu les mêmes idoles déifiées, foulées aux pieds, puis retrouvant leurs autels par un retour d’enthousiasme et d’apothéose. La monarchie a été un instant maudite et condamnée ; mais d’un autre côté la république a été couverte d’exécration et d’opprobres. L’empereur, qui, en 1811, semblait devoir garder dans sa main le globe du monde, était, en 1815, poursuivi par une foule en furie dans un des départemens de la France ; cette foule voulait l’assassiner. Les systèmes et les théories se sont tour à tour jeté à la face l’excommunication et l’outrage ; la philosophie a dit au christianisme qu’il faisait injure à l’esprit humain, et la religion a répondu en reprochant à la philosophie de tromper l’homme et de le perdre. Quel a été le résultat de cette implacable franchise avec laquelle toutes les opinions et toutes les causes se sont acharnées les unes contre les autres ? Tout a été percé à jour ; toutes les misères de l’humanité ont été mises à nu. Il a été donné à chacun de pouvoir plonger un œil irrespectueux dans les infirmités de la gloire qui paraissait la plus inébranlable, et dans les faiblesses de la pensée qui semblait la plus solide et la plus vraie. Partant, plus de foi, plus d’enthousiasme ; mais aussi, par compensation, nous sommes doués d’une intelligence merveilleuse pour assigner à chaque chose, à tout homme, sa place et sa valeur, ni trop haut, ni trop bas, sans colère, sans engouement. M. le baron Pasquier n’a donc pas eu tort de publier ses discours.

Il n’y a point d’homme, sous la restauration, qui ait été plus en butte aux attaques des partis et de tous les partis que M. le chancelier. La raison en est simple : un parti, quel qu’il soit, est la chose du monde qui a toujours répugné le plus aux instincts politiques de M. Pasquier. Il a toujours été exclusivement homme d’affaires, serviteur intelligent du pouvoir. À ses yeux, au milieu de nos agitations, le devoir le plus impérieux a toujours été de se rallier au gouvernement qui s’élevait, dès qu’il lui reconnaissait des pensées d’ordre et de civilisation. Dans l’infinie variété des changemens qui venaient