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vailler pour eux-mêmes le reste de leur vie. En outre, au bout d’une certaine période de temps, le gouvernement enverrait leurs femmes les joindre, aux frais du trésor public[1]. »

Nous pensons avoir démontré, par le simple exposé des faits, que la déportation n’a pas été pour l’Angleterre un moyen de coloniser les vastes espaces de l’Australie, et que ce nouvel établissement n’a pris son essor que du jour où l’émigration libre est venue en faire cesser l’incurable stérilité. Envisagée comme un lieu de détention, la Nouvelle-Galles n’est pas beaucoup plus intéressante. Ce bagne exotique s’est trouvé tout aussi mal ordonné pour corriger les déportés que pour comprimer, par l’effroi salutaire de l’exemple, la génération en germe des criminels.

Un système pénal, qui n’a été ni une source de richesse ni un moyen d’amendement, ne pourrait se recommander que par l’économie d’argent qu’il aurait introduite dans la répression. Sur ce point encore, l’infériorité de la déportation a été constatée sans appel. De 1786 à 1837, les colonies pénales ont coûté à l’Angleterre près de 8 millions de livres sterling (200 millions de francs), et chaque condamné a entraîné ainsi une dépense de 82 liv. sterl. (2066 fr. 40 c.) ; la dépense annuelle est aujourd’hui le triple de ce qu’elle était dans le principe. En 1836, les colonies pénales ont grevé le budget d’une somme d’environ 500 mille livres sterling (12,500,000 fr.). La population des prisons et des bagnes réunis ne coûte pas aussi cher, en France, que les seuls déportés de Van-Diemen et de la Nouvelle-Galles, en dehors desquels l’Angleterre a encore les détenus de ses prisons et de ses pontons à nourrir. Nous ne parlons pas des États-Unis, où le produit du travail des prisonniers suffit à leur entretien.

Nous venons d’esquisser rapidement et à grands traits l’histoire des colonies pénales, ainsi que la description de l’état social qu’elles ont enfanté. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans de plus longs détails pour convaincre tout lecteur de bonne foi que cette vaste expérience a misérablement échoué. Le comité de la chambre des communes, dans le rapport dont nous avons donné la substance, conclut à l’abolition immédiate du système ; il n’admet ni tempérament ni replâtrage. Le gouvernement anglais avait proposé de discontinuer la pratique d’assigner des condamnés pour domestiques aux planteurs, et d’employer tous les déportés au service de l’état, soit à la réparation des routes, soit à d’autres travaux pénibles et forcés. Le comité re-

  1. Thoughts on secondary punishments.