la remplir. On estime qu’un ouvrier libre fait autant d’ouvrage que deux condamnés. Comme ils travaillent sous la surveillance de quelqu’un des leurs qui ne les gêne guère ou de quelque émancipé tout aussi indulgent, ils quittent leurs baraques individuellement ou par troupes, armés ou sans armes, selon qu’il leur plaît ; ils s’entendent avec les assignés qui servent chez les planteurs des environs pour commettre toute espèce de déprédations, et le produit de ces vols est bientôt dissipé en orgies. Dans l’opinion de tous ceux qui ont administré les colonies pénales, c’est aux condamnés qui travaillent à réparer les routes qu’il faut attribuer tous les vols avec effraction qui se commettent dans les cantons ruraux. Cet usage a presque cessé dans la Nouvelle-Galles, où les routes sont maintenant construites et réparées par des entrepreneurs, à l’exception de celles qui occupent encore les condamnés chargés de fers.
La déportation est le châtiment des délits commis en Angleterre. Mais si les déportés, au sein même de la colonie pénale, enfreignent encore les lois sur lesquelles repose toute société, quelque exceptionnelle qu’elle soit, quelle peine prononcer contre eux ? Les planteurs préfèrent la flagellation à tout autre châtiment pour les assignés, parce qu’elle occasionne une moindre interruption du travail ; il en est ainsi de tous les maîtres d’esclaves, et ceux de l’Australie pensent exactement là-dessus comme ceux des Antilles, des États-Unis et du Brésil. Cependant le code de la répression ne pouvait pas s’arrêter là. On a donc imaginé deux autres classes de châtimens entre le fouet et la mort : l’un est une sorte de bagne en camp volant, un second degré du travail forcé, le travail dans les fers ; l’autre est une déportation dans la déportation, qui consiste à rejeter les condamnés sur quelque rocher isolé, où ils n’ont d’autre société que celle de leurs complices et de leurs geôliers. Celle-ci est la peine des crimes, et celle-là des délits. Un sixième de la population des condamnés se trouve compris dans ces deux catégories. Voici le tableau que trace des condamnés qui travaillent aux routes le rapporteur de la chambre des communes : « Depuis le coucher jusqu’au lever du soleil, ils sont enfermés dans des baraques qui contiennent 18 à 20 hommes, mais dans lesquelles ces hommes ne peuvent ni se tenir debout, ni s’asseoir ensemble, si ce n’est leurs jambes faisant angle droit à leur corps, ce qui ne donne pas plus de dix-huit pouces d’espace à chaque individu ; ils travaillent durant le jour sous la surveillance de soldats armés, et, pour la moindre infraction à la règle, ils sont livrés au fouet. Comme ils sont enchaînés, on parvient aisément à faire ré-