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LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

d’hommes que l’expérience avait montrés impropres à toute société, que l’on tirait des prisons de la Grande-Bretagne, et que l’on mettait en liberté pour se mêler ensemble dans le désert, sous la direction de quelques contre-maîtres chargés de les appliquer à la tâche au milieu de ces espaces sans bornes, et sous la surveillance de la force armée qui devait les tenir dans la soumission. Les conséquences de cet étrange assemblage ont été le vice, l’immoralité, des maladies terribles, la désertion, et une mortalité effrayante parmi les colons. Les condamnés (convicts) ont été décimés par les épidémies durant le voyage, et décimés encore par la famine à leur arrivée. Enfin, l’on a traité les indigènes avec une hideuse cruauté. Telle est l’histoire de la Nouvelle-Galles du sud dans les premiers temps de la colonie. »

On peut diviser l’histoire de la colonie pénale en deux époques bien distinctes : la première, qui s’étend de 1788 à 1821, et pendant laquelle les condamnés ou les enfans des condamnés étaient les seuls colons ; la seconde et la plus récente, pendant laquelle le flot de l’émigration libre est venu féconder le sol de l’Australie. Les progrès de la colonisation ne datent que de cette dernière époque. Tant que le gouvernement anglais n’a pas employé d’autres instrumens que les malfaiteurs rejetés par ses tribunaux sur les terres australes, cette gigantesque entreprise est demeurée sans résultats. Il a fallu l’industrie des émigrans honnêtes pour donner l’essor à la population, pour mettre le sol en valeur, pour créer entre la colonie et la métropole un échange quelconque de produits, pour organiser en un mot une société.

Depuis la Bible jusqu’aux annales de la république romaine, la tradition des vieilles sociétés leur assigne généralement pour fondateurs des bandits ou tout au moins des exilés. À ce compte, les bandits de l’antiquité devaient grandement différer de ceux des temps modernes ; car, si l’expérience que l’Angleterre a faite dans la Nouvelle-Galles du sud prouve quelque chose, c’est l’impossibilité absolue de fonder une colonie, un ordre social, sans autres élémens que des malfaiteurs et leurs geôliers.

Deux obstacles principaux doivent arrêter le développement de toute colonie qui se recrute dans les bagnes ou dans les prisons. C’est d’une part la disproportion des sexes, les femmes ne représentant communément que le cinquième de la population des condamnés ; c’est de l’autre la difficulté d’employer aux travaux de défrichement et de culture des hommes qui ont appartenu en majeure partie