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miron, qui ne contient rien de pareil. Lisez donc au moins la phrase suivante, qui vous apprendra de quoi il s’agit, et, puisque cette phrase est extraite d’un programme, lisez le cours de morale où ce programme est développé, et sachez surtout que, quand M. Damiron prêcherait le suicide, cela prouverait que M. Damiron prêche le suicide, et cela ne prouverait rien de plus.

Un évêque accuse M. Damiron d’enseigner le suicide. M. Pierre Leroux, dans un même intérêt, accuse M. Damiron d’avoir mutilé le dernier écrit de M. Jouffroy. On suppose que le traité sur l’Organisation des Sciences a été écrit par M. Jouffroy sur son lit de mort, quoiqu’il l’ait conservé en manuscrit depuis 1836 ; on suppose que M. Jouffroy avait écrit sur ce manuscrit bon à imprimer, quoiqu’il n’ait mis cette inscription que sur un petit mémoire sans importance ; on suppose que M. Jouffroy avait donné à M. Damiron la mission de publier ses œuvres posthumes, quoique M. Damiron n’ait reçu cette mission que de la veuve. Avec toutes ces suppositions, on réussit à fournir un aliment à la haine des partis ; M. Damiron, le constant modèle des plus pures vertus, est accusé de je ne sais quelle lâcheté ; on soutient que M. Cousin a tout conduit, et cela parce que M. Jouffroy taxait d’inexpérience le premier enseignement de M. Cousin à l’École normale. À vingt ans, M. Cousin était un professeur sans expérience ! Le clergé, qui n’a jamais été partisan de la censure, et qui ne sait ce que c’est que de tronquer un ouvrage, prend l’accusation des mains de M. Pierre Leroux, et il y met, c’est tout dire, autant de passion que M. Pierre Leroux lui-même. En effet, M. Jouffroy ne croyait pas à la religion ; quel argument contre les éclectiques ! Et les éclectiques ont failli ôter au clergé cet argument victorieux ; quel grief ! Pour moi, je l’avoue, je crois cet argument si faible, que je n’aurais pas craint, à la place de M. Damiron, de le fournir à des adversaires ; je crois aussi qu’on avait le droit de publier un ouvrage que M. Jouffroy avait gardé six ans sans le détruire ; mais ceux qui crient si haut que le supprimer ou l’ajourner aurait été un crime sont-ils dupes eux-mêmes de leurs sophismes ?

Pendant que ces belles inventions servent de thème aux haines personnelles et aux déclamations des partis, M. Cousin publie, outre son beau travail sur Pascal, le premier volume de ses leçons sur la philosophie de Kant. La connaissance de la philosophie allemande est un des services que nous devons à M. Cousin. On parle de son système, de la doctrine éclectique. M. Cousin n’est pas là tout entier. S’il a eu de l’action sur les esprits comme propagateur d’une