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paru dans les Débats, qu’un évêque dirigea contre M. Cousin et l’Université en général ce qu’il appelle lui-même une attaque violente. Et quel est le fonds de cette attaque ? Tout le sens de ce discours, si l’on veut y prendre garde, le voici : — M. Cousin déclare qu’il n’est pas panthéiste, il déclare qu’il respecte la religion, qu’il ne l’a jamais attaquée, que ni lui ni ses amis philosophiques ne l’attaqueront jamais, il prend une à une toutes les opinions que nous lui avons attribuées en les censurant, et sous cette forme il les répudie ; mais M. Cousin n’en a pas moins écrit dans un de ses ouvrages une phrase qui a un sens différent des opinions qu’il professe aujourd’hui : par conséquent il ne lui sera permis ni de s’expliquer, ni de s’amender ni même de se contredire, et dans la crainte de trouver en lui un ami, nous nous en référons aux passages qui nous paraissent répréhensibles, et nous oublions volontairement tout le reste. — Or, quand on parle et quand on agit ainsi, on ne démontre qu’une seule chose, c’est qu’on serait bien fâché que la philosophie fût innocente, et qu’un certain parti a besoin qu’elle soit criminelle, parce qu’il a besoin de l’anéantir.

Cependant M. l’évêque de Chartres songe si peu à détruire la philosophie, qu’il daigne lui apporter le secours de ses lumières. À la suite du long article où il fait voir la faiblesse et le néant de la philosophie de M. Cousin, il en publie un autre qui contient le plan d’une philosophie chrétienne. M. de Chartres est par devoir, dit-il, versé dans ces matières. Il est plein d’assurance sur la vérité, la fécondité de ses principes ; c’est le dernier mot de la science. Que les défenseurs de la nouvelle école l’attaquent, dit-il ; qu’après l’avoir examiné et sondé de tous côtés, ils y cherchent un côté faible ! C’est ainsi que M. l’évêque de Chartres en a fini avec la philosophie en un quart d’heure et en trois petites pages. Ô aveuglement de tant de grands hommes et de tant de pères de l’église, des Clément d’Alexandrie, des saint Augustin, des saint Thomas et des saint Anselme, qui ont consumé une si grande part de leur vie dans l’étude d’une science si claire et si facile, et qui n’offrirait pas de difficultés à un enfant ! Ô misère de Pascal, qui a failli perdre l’esprit, et qui est mort à la peine pour avoir voulu sonder des profondeurs imaginaires ! Descartes dispute sur le témoignage des sens, et l’évêque de Cloyne va jusqu’à le nier ; M. de Chartres finit la question d’un seul mot : « Quand on dit en ma présence : Le soleil se lève à l’orient et finit sa course à l’occident, ma nature emporte malgré moi et comme sans moi mon consentement. Voilà sans doute un motif légitime de mon