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ils ne perdent de vue le but essentiel. Le jour viendra où la Porte ne pourra plus conserver la souveraineté même nominale des provinces danubiennes. Quel sera alors le sort de ces provinces ? Seront-elles à la Russie ou à l’Autriche ? Seront-elles partagées entre ces deux puissances ? Formeront-elles, comme les patriotes valaques le désirent, une souveraineté particulière ? L’état économique et moral des populations entrera pour beaucoup dans la solution de la question. La vie politique ne s’infuse pas et ne s’improvise point. Si ces populations sont pauvres et ignorantes, on trouvera qu’elles ont besoin d’un tuteur, et les tuteurs ne manqueront point, armés l’un du knout, l’autre du bâton. Les préparer à l’indépendance par l’instruction et par l’industrie, voilà le but qu’il faut se proposer. La vie d’une génération n’est pas toujours suffisante pour l’atteindre. Les Valaques qui sont venus puiser aux sources de notre civilisation, ont, en rentrant dans leurs foyers, une longue et noble mission à accomplir.


M. Labitte, chargé de suppléer M. Tissot dans le cours de poésie latine au Collége de France, a fait sa leçon d’ouverture au commencement du mois. Le jeune professeur est resté fidèle aux antiques usages, aux antiques convenances universitaires ; il a lu un discours écrit, comme cela se pratique d’ordinaire aux premières leçons, et ceux qui l’ont entendu ont retrouvé dans sa pensée les qualités habituelles de son talent, la finesse, la sûreté toute française du sens critique, et une érudition spirituelle et discursive. M. Labitte est sorti avec bonheur des banalités inévitables de l’exorde : « Je me dispenserai, a-t-il dit à ses auditeurs, de tout ambitieux programme, car, à mon sens, le moindre inconvénient des programmes est de n’engager à rien et de substituer d’ordinaire des projets à des résultats ; je m’efforcerai de suivre une autre route. La meilleure et la plus simple manière d’entrer en relation avec vous, c’est de vous indiquer tout d’abord mon point de départ et mon but, les deux seules choses que je sache bien précisément, et de vous montrer dans un tableau rapide l’intervalle qui les sépare. Quelques-uns des souvenirs imposans que soulève de lui-même le nom romain, quelques applications naturelles à des temps plus proches viendront d’eux-mêmes se mêler à cette courte esquisse. » M. Labitte a ensuite exposé rapidement quelques idées fort justes sur les progrès et sur le rôle de l’histoire littéraire : « Autrefois elle pouvait se contenter de suivre les littératures, maintenant elle doit les précéder ; elle doit être, non plus un commentaire, mais un enseignement. Guider les vivans par l’itinéraire des morts, faire profiter l’avenir des leçons du passé, donner l’impulsion par l’examen des œuvres vraiment durables,