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REVUE. — CHRONIQUE.

et Lucerne, la direction des affaires fédérales se trouve pour deux années, à partir du 1er janvier, confiée au conseil d’état du canton de Lucerne : c’est à Lucerne que se réunira la diète ; c’est le chef du gouvernement de Lucerne qui en sera le président. Or, le canton de Lucerne qui, ainsi que Berne et Zurich, était au nombre des cantons radicaux, ou, comme on disait, régénérés, a subi récemment une contre-révolution complète ; le clergé y a repris tout son ascendant (on sait que Lucerne est un canton catholique) ; le nonce du pape, qui avait quitté le canton pour s’établir à Schwitz, est rentré dans Lucerne ; enfin les Lucernois sont venus à résipiscence au point qu’ils n’ont eu, dit-on, l’esprit en repos sur leur nouvelle constitution qu’après l’avoir soumise à l’examen du saint-siége et en avoir obtenu l’approbation. Ces faits seraient sans importance s’ils ne pouvaient avoir d’action, d’influence, que sur le canton même de Lucerne. Libre aux Lucernois de passer du radicalisme à la théocratie, de M. Casimir Pfiffer au nonce du pape : c’est leur affaire en tant que gouvernement cantonal ; mais la situation devient délicate pour Lucerne gouvernement fédéral. Évidemment Berne et Zurich seront en méfiance, Berne avant tout par ses opinions et ses tendances politiques, Zurich par ses croyances religieuses. Les autres cantons se grouperont autour de Berne et de Zurich, et Lucerne n’aura sincèrement avec elle que quelques petits cantons, et dans une certaine mesure le Valais par la religion, par la politique Bâle-Ville et Neufchâtel. Le canton de Lucerne a plus que jamais besoin de modération et de prévoyance ; il a plus que jamais à se tenir en garde contre des conseils imprudens ou perfides. La Suisse, avec ses profondes divisions, est toujours au bord d’un abîme. Ce serait une tache ineffaçable dans l’histoire que celle du canton qui l’y précipiterait même involontairement.

La Servie est loin d’être tranquille. Des complots et des troubles en menacent sans cesse le repos, et probablement ces agitations et ces tentatives se rattachent à des intrigues dont il n’est pas facile de saisir le fil.

La Valachie est fortement préoccupée de l’élection de son nouvel hospodar. Les Valaques ne méconnaissent point la puissance de la presse, et leurs brochures se multiplient. Nous ne les suivrons pas dans ces débats trop locaux et trop personnels pour qu’ils aient quelque intérêt pour nous. Laissons à d’autres le soin d’examiner si réellement MM. Shtirbei et Bibesco, MM. Philippesco et Campignano et quelques autres méritent tout le bien et tout le mal que les divers partis publient sur leur compte. Au fond, il est facile d’apercevoir qu’il n’y a dans tous ces débats qu’une question sérieuse. Le nouvel hospodar sera-t-il ou non un partisan de la Russie ? Tous les hommes qui paraissent attachés à la Russie sont maltraités par les patriotes. C’est le sentiment de la nationalité qui se fait jour comme il peut, et qui, dans l’état des choses, préfère la Porte, faible et caduque, à la Russie, despotique et puissante. Nous sommes loin de condamner les patriotes valaques. Seulement, nous craignons qu’égarés par des querelles secondaires et au fond peu importantes,