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gemens les compagnies, même les plus solides, ont trouvés à la direction générale des ponts-et-chaussées. Il y a là une grave question qui grossit tous les jours, et qu’il serait sage de ne pas perdre de vue. Sans doute, nous l’avons souvent dit, la centralisation est chère à la France, au point qu’elle en a toléré, quelquefois même aimé jusqu’aux abus ; mais on se trompe si on croit que l’éducation publique n’étend pas ses progrès même sur ce point. Voyez plutôt les conseils-généraux. Avec quelle promptitude et quel succès s’est développée cette belle institution ! On dit, on répète tous les jours à la France ce qui est vrai, à savoir que l’industrie particulière serait un puissant auxiliaire même pour les travaux publics, qu’elle travaille à meilleur marché et plus rapidement que l’état, que l’encourager même par quelques sacrifices, c’est une bonne spéculation, car le jour où l’association industrielle aurait appris à déployer sa puissance, cette force nouvelle serait un moyen de prospérité pour le pays et d’économie pour le trésor national. La France, malgré les jalousies, les préventions, les préjugés qui voilent encore ces vérités, finira par les comprendre ; mais si elle les comprenait trop tard, s’il lui fallait un jour ajouter à l’histoire de ses canaux, qui ont à la fois épuisé la patience du commerce et la bourse des contribuables, une histoire non moins douloureuse pour les chemins de fer, ce jour où la lumière brillerait enfin à ses yeux serait un jour de réaction et de colère. Jusqu’ici le public français n’a guère fixé son attention, en fait de chemins de fer exécutés par des compagnies, que sur les folies de Versailles. Sous peu, il verra les chemins d’Orléans et de Rouen. Il pourra comparer, juger, en connaissance de cause, et pour la durée des travaux, et pour le montant de la dépense.

D’ailleurs est-ce là la question toute entière ? Pourquoi faire, par l’impôt et par des emprunts officiels, ce qu’il serait possible de confier aux capitaux particuliers, à des capitaux qui nous viendraient peut-être de l’étranger et laisseraient ainsi à notre agriculture, à nos industries, à notre commerce le capital français ? Regorgeons-nous tellement de capital disponible, que nous devions décourager, repousser ce qui viendrait s’y ajouter du dehors ? La prospérité de la France est grande, son capital s’augmente rapidement, et nous sommes convaincus qu’il pourrait, à toute rigueur, suffire à nos entreprises actuelles. Est-il moins vrai qu’une addition de capital nous mettrait plus à l’aise et nous permettrait de donner plus d’essor à l’activité nationale ? Et, pour ne pas sortir de la question des chemins de fer, n’est-il pas évident que, si le gouvernement pouvait en confier deux ou trois à des compagnies françaises ou étrangères, il pourrait alors concentrer ses efforts sur certaines lignes et accélérer l’achèvement des travaux qui resteraient à sa charge ? Le système des chemins de fer ne sera vraiment utile, productif, que lorsqu’il se trouvera je dirais presque animé par l’activité générale du pays. Attirez des capitaux dans toutes les branches de l’industrie nationale, encouragez les capitaux à venir chez nous, à s’y fixer, à s’y employer, en procurant du travail