plairait. Mais sur quoi fonder ce nouveau privilége de la couronne ? Sur un conte. Atkins inventa ce Corsellis, agent du roi au XVe siècle, et chargé d’introduire à Oxford la presse et les caractères. D’après cet ingénieux roman, que Meerman discute avec un grand sérieux, le trône, ayant importé l’imprimerie en Angleterre et ne l’ayant jamais cédée à personne, a le droit de la confisquer à son profit, ou de la reprendre, si elle lui a été enlevée, et tout imprimeur, par cela seul qu’il imprime, a droit à être pendu ; ce qui est un très beau raisonnement, digne de ces temps de folie désespérée[1].
Telle est la légende d’Oxford. Bamberg a aussi la sienne[2], ainsi que Florence[3], qui s’appuie sur l’autorité de ce bon Cennini, que nous avons vu travailler tout à l’heure avec ses deux fils, ainsi que la ville d’Anvers, fière de son antique corporation des imprimeurs de cartes à jouer, qu’elle essaie de confondre avec les imprimeurs de lettres moulées et de caractères mobiles[4]. Innocente supposition d’état, pardonnable mensonge, amusement d’un amour-propre peu dangereux ! Tout le monde avait quelques prétentions légitimes ; les vœux, le désir, le travail, les longs efforts, les tentatives multipliées appartenaient évidemment à ce pays limitrophe de l’Allemagne et de la France, qui fut, au moyen-âge, la vraie patrie de l’industrie bourgeoise. Vous diriez que la France, le monde de l’action, la patrie du fait pratique, devait s’entendre et se liguer avec la Germanie, le monde de la pensée métaphysique, pour faire éclore la découverte qui rend la pensée active, et la perpétue sous une forme palpable. Harlem, Anvers, Strasbourg, Mayence, Bâle, Nuremberg, toute cette ligne de villes commerçantes, catholiques, curieuses, industrieuses, depuis la mer jusqu’aux limites de la Suisse, a pris surtout part à la fabrication de ces petits livres sacrés qui ont devancé l’imprimerie. En la devançant, l’ont-ils créée ? Non sans doute ; ils préparaient, sans l’atteindre, le point de perfection praticable, conquis, vers 1451, par Gutenberg, qui périt dans son œuvre même, et qui en laissa le fruit à de plus rusés, comme il arrive toujours.
Mais Harlem nous attend et nous appelle ; elle a aussi son grand homme, qui s’appelle Costar. Il n’est pas tout-à-fait certain que ce grand homme ait jamais existé. La Serna ne le pense pas. De grandes autorités, M. Van Praët, M. Brunet, M. Renouard, repoussent très