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REVUE DES DEUX MONDES.

Comme des loups perclus qui se mordent entre eux,
Aveuglés par la rage, affamés, malheureux,
Sauvages animaux sans but, sans loi, sans ame,
Pour avoir dédaigné le Travail et la Femme.


Hommes à la peau rouge ! Enfans, qu’avez-vous fait ?
Dans l’air d’une maison votre cœur étouffait,
Vous haïssiez la paix, l’ordre et les lois civiles,
Et la sainte union des peuples dans les villes.
Et vous voilà cernés dans l’anneau grandissant.
C’est la Loi qui sur vous s’avance en vous pressant.
La Loi d’Europe est lourde, impassible et robuste,
Mais son cercle est divin, car au centre est le Juste.
Sur les deux bords des mers vois-tu de tout côté
S’établir lentement cette grave beauté ?
Prudente fée, elle a, dans sa marche cyclique,
Sur chacun de ses pas mis une République.
Elle dit, en fondant chaque neuve cité :
— Vous m’appelez la Loi, je suis la Liberté.
Sur le haut des grands monts, sur toutes les collines,
De la Louisiane aux deux sœurs Carolines,
L’œil de l’Européen qui l’aime et la connaît
Sait voir planer, de loin, sa pique et son bonnet,
Son bonnet phrygien, cette pourpre où s’attache,
Pour abattre les bois, une puissante hache.
Moi, simple pionnier, au nom de la raison
J’ai planté cette pique au seuil de ma maison,
Et j’ai, tout au milieu des forêts inconnues,
Avec ce fer de hache ouvert des avenues ;
Mes fils, puis, après eux, leurs fils et leurs neveux
Faucheront tout le reste avec leurs bras nerveux,
Et la terre où je suis doit être aussi leur terre,
Car de la sainte Loi tel est le caractère
Qu’elle a de la Nature interprété les cris.