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LA SAUVAGE.

Et des blonds serviteurs les agiles cohortes
S’empressent en silence aux travaux familiers,
Et, les plateaux en main, montent les escaliers.
Deux filles de six ans aux lèvres ingénues
Attachaient des rubans sur leurs épaules nues,
Mais voyant l’Indienne, elles courent, leur main
L’appelle et l’introduit par le large chemin
Dont elles ont ouvert, à deux mains, la barrière ;
Et caressant déjà la pâle aventurière :
« As-tu de beaux colliers d’Azaléa pour nous ?
« Ces mocassins musqués, si jolis et si doux,
« Que ma mère à ses pieds ne veut d’autre chaussure ?
« Et les peaux de castor, les a-t-on sans morsure ?
« Vends-tu le lait des noix et la Sagamité[1] ?
« Le pain anglais n’a pas tant de suavité.
« C’est Noël, aujourd’hui, Noël est notre fête,
« À nous, enfans ; vois-tu ? la Bible est déjà prête ;
« Devant l’orgue ma mère et nos sœurs vont s’asseoir,
« Mon frère est sur la porte et mon père au parloir. »


L’Indienne aux grands yeux leur sourit sans répondre,
Regarde tristement cette maison de Londre
Que le vent malfaiteur apporta dans ses bois
Au lieu d’y balancer le hamac d’autrefois.
Mais elle entre à grands pas, de cet air calme et grave
Près duquel tout regard est un regard d’esclave.


Le parloir est ouvert, un pupitre au milieu ;
Le Père y lit la Bible à tous les gens du lieu.
Sa femme et ses enfans sont debout et l’écoutent,

  1. Pâte de maïs.