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REVUE DES DEUX MONDES.

II.
NOUVEAU SYSTÈME DE M. SCHELLING.

Une réaction était inévitable ; elle ne fut guère d’abord qu’une dispute d’école et de haute philosophie. Mais Strauss attaqua le christianisme : c’était un suprême péril ; chacun s’émut. Vinrent ensuite les déclamations politiques des Annales allemandes, qui donnèrent aux hégeliens de nouveaux adversaires.

L’opposition philosophique compte une foule de penseurs coalisés contre Hégel, et qui, du reste, sont assez peu d’accord entre eux. La plupart, formés à son école, retiennent sa logique, sauf corrections, et combattent son panthéisme. Le fils du grand Fichte se distingue parmi eux. Il dirige une revue philosophique où l’on remarque, au milieu d’articles un peu diffus, des critiques heureuses, et toujours de la sagesse et des intentions élevées. Fischer et Weisse sont de la même école. Cette école ne fera pas des progrès décisifs : elle montre peu d’invention et un esprit plus judicieux que profond ; on lui doit moins des idées nouvelles qu’un arrangement nouveau d’idées anciennes. Elle voit avec raison dans la liberté le principe qui sauve du panthéisme, et elle conserve cependant plusieurs des vues fatalistes de Hégel. Elle n’a pas encore dissipé le charme qu’il semble avoir jeté sur la pensée de son pays : elle n’a retrouvé que la moitié des paroles qui doivent le rompre. — Troxler, Krause, Chalybée, bien d’autres encore, se sont également tournés contre Hégel. — À part et seul, Herbart bataille un peu contre tous. On n’a pas d’abord voulu tenir compte de lui. L’Allemagne, cette terre de la critique, est aussi celle où l’on jure le plus sur la parole du maître. L’héritage trop bien accepté de tant de grands génies avait fini par appauvrir la pensée de son originalité. Herbart vint fronder ce superstitieux respect de la tradition philosophique. Il a voulu ne rien devoir qu’à lui-même : il ne tient compte des autres que pour les attaquer ; il a osé tout recommencer, et il a presque réussi à tout achever à force de persévérance, de sagacité et d’invention. On peut prévoir le résultat : quelques bizarreries, beaucoup d’idées nouvelles, et, en dépit de lui-même, le cachet évident de son époque. Il a le mérite d’avoir insisté sur l’individualité, effacée du monde par une logique qui ne comprend que l’abstrait et l’universel.

Mais le plus original assurément et le plus remarquable des adversaires de Hégel, celui que Hégel estimait entre tous, est Baader.