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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

détail dans l’appendice joint au voyage du capitaine Harris. Le narrateur lui-même termine son récit par les réflexions suivantes, aussi sages qu’impartiales. « Rien n’égale la beauté et la fertilité du pays qui environne les nouveaux établissemens ; des terres ont été assignées, des jardins tracés, des champs ensemencés et plantés. Des centaines de colons avec leurs familles et leurs ménages y arrivent par troupes même des environs du Cap, réalisant ainsi cette prédiction de sir Benjamin d’Urban (secrétaire colonial), que l’absence de toute mesure pour la protection des frontières serait inévitablement suivie de l’abandon et de la ruine de la colonie. » Et plus loin il ajoute : « Quoique personne ne puisse approuver la guerre presque impie que les émigrans déclaraient implicitement au gouvernement anglais, cependant peu de personnes pourront s’empêcher de sympathiser avec leurs souffrances ; et qui leur refuserait la part d’éloge que méritent tant de persévérance et de courage ? Peu habitués aux armes, sans le secours de troupes alliées, ils ont, par leurs seuls efforts, triomphé des plus insurmontables obstacles, et, au prix de tant de sang versé, réussi à humilier les deux plus puissans potentats de l’Afrique méridionale, véritables monstres qui avaient détruit ou soumis à l’esclavage toutes les tribus aborigènes répandues dans le désert, de la baie Delagoa à Unzimvooboo, de l’Océan indien aux solitudes que baignent les flots de l’Atlantique. »

Assurément cette histoire des émigrans hollandais est un chapitre curieux dans les annales si intéressantes des colonies. Vainement, dans leur détresse, ils s’adressèrent à l’ancienne patrie, qui avait peut-être le droit de les plaindre, mais non celui de les défendre. Elle ne put même pas réunir dans d’autres lieux, sous son autorité, sous sa protection particulière et spéciale, ces hommes dévoués qui supposaient, dans l’ignorance de leur cœur, qu’un traité donne au vainqueur le sol et non les habitans. Et si dans cette circonstance critique l’Angleterre vit sa colonie du Cap singulièrement appauvrie par la retraite de plus de dix mille paysans de vieille race, cependant elle a trouvé le moyen de compenser cette perte en s’appropriant le pays conquis par les déserteurs, ce beau territoire de Natal, que le capitaine Harris appelle déjà dans sa carte du nom de Victoria.


Th. Pavie.