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des Boors. L’amnistie proposée de nouveau fut repoussée avec plus d’énergie que la première fois par tous les émigrans disséminés le long de la Tugala et hors du territoire commandé par le fort. Alors on les menaça de les priver de tout secours par mer, tandis qu’on promettait de les aider de la manière la plus efficace, si, au lieu de pousser au hasard leurs courses aventureuses, ils consentaient à se réunir sur le point convenu, c’est-à-dire, s’ils consentaient à refaire une colonie autour du pavillon britannique. Et n’est-ce pas là précisément ce qui leur répugnait plus même que le terrible voisinage des Kafres ? On leur offrait aussi les moyens de rentrer dans leurs fermes désertes, mais il y avait à cette mesure, outre le refus des Boors, des obstacles matériels. Le gouvernement se voyait avec peine privé des meilleurs colons, dont les habitations riches et bien établies formaient sur la frontière une ligne de défense à jamais rompue ; de leur côté, les émigrans, maintes fois pillés par les Kafres, ne se trouvaient pas plus menacés dans les plaines de Natal, et c’était pour eux une consolation naturelle, facile à comprendre, de se sentir affranchis de toute taxe, de tout impôt, à l’égard d’un gouvernement qu’ils accusaient d’avoir si long-temps négligé leurs intérêts.

Lorsque la garnison anglaise fut installée à Port-Natal, Dingaan envoya deux de ses ministres demander la paix au commandant et renouveler avec lui le traité de cession, qui fut conclu de nouveau au nom de sa majesté ; mais c’était une question en dehors de celle qui se débattait entre l’Angleterre et les émigrans.

Décimés par des attaques non interrompues de la part des sauvages et par les fièvres de la contrée, les compagnons de Triechard s’étaient peu à peu retirés jusque sur le territoire portugais de Pelagoa. Aucune menace, aucune prière ne put les rappeler sur le sol de la colonie. Autour du fort, à vingt lieues environ du Port-Natal, s’éleva, dès 1838, le pittoresque village de Maritz-Burg. Enclavés une seconde fois dans les possessions anglaises, dont le territoire cédé par Dingaan devenait définitivement une dépendance, les Boors établis sur la côte se virent rejoints encore par des frères partis de tous les points de la colonie. Quant à ceux qui, fidèles à leur premier plan, persistèrent à conserver leur indépendance et élevèrent, plus au nord, une petite citadelle gardée par une garnison permanente de quarante hommes, on a vu, dans les journaux de septembre et de novembre dernier, comment ils ont été attaqués et soumis enfin par un petit corps de troupes anglaises.

Telle est l’esquisse de l’histoire de ces émigrations, rapportée avec