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tout hollandaise ? Si trente années de conquête n’avaient pu habituer les colons au joug anglais, la cause en était-elle dans l’inaptitude des vaincus à se faire à des lois protectrices, mais étrangères, ou dans l’indifférence des vainqueurs à se concilier l’affection de ceux-là ? Toujours est-il que Maritz s’entêta à rester au Port-Natal ; il avait autour de lui six cent cinquante hommes en état de porter les armes, et trois mille cinq cents femmes, enfans et serviteurs. Avec trois cents cavaliers et quatre pièces de campagne, il voulait prendre sa revanche sur Dingaan, comme autrefois sur Moselekatse ; mais il donna brusquement sa démission de généralissime, et fut remplacé par Landmann, homme plus prudent, quoique moins capable, qui conseilla de différer l’expédition. D’ailleurs, le repos et l’abondance des pâturages devaient rendre à leurs chevaux épuisés la force qui leur manquait, et il valait mieux attaquer Dingaan pendant l’hiver, époque à laquelle ce despote ne faisait pas volontiers la guerre, le vêtement trop léger de ses soldats ne leur permettant pas de tenir la campagne pendant la saison rigoureuse. Les mois de juillet et août se passèrent donc de la part des émigrans en patrouilles, en reconnaissances poussées parfois loin du camp, qu’ils avaient cette fois fortifié de leur mieux.

Dès le printemps, les Zooloos reprirent les hostilités. Dingaan avait mis l’hiver à profit, et les émigrans furent plus surpris qu’effrayés de voir une centaine de Kafres à cheval et armés de fusils. Cette misérable cavalerie, après avoir commis d’assez grandes dévastations parmi les troupeaux des Boors, essuya une déroute complète. L’astre de Dingaan était sur son déclin ; craignant le voisinage des blancs, il avait envoyé dans l’intérieur son bétail, sa richesse, son véritable trésor, sous la garde d’une division qui fut battue et dépouillée par d’autres sauvages. Les émigrans, préparés de longue main à une expédition décisive, se mirent en campagne avec leurs quatre pièces de canon ; leur troupe montait à six cents cavaliers : dans une bataille mémorable livrée en vue de Unkunkinglove, les Zooloos, malgré les fusils enlevés dans les précédentes attaques, ne tardèrent pas à être culbutés, massacrés par milliers ; ce fut un coup décisif dont leur nation ne se relèvera jamais. Dingaan mit lui-même le feu à sa capitale, et prit la fuite. La victoire livra aux Boors quatre mille six cents bœufs, des chevaux, des fusils, et beaucoup d’argent qu’il fallut retirer du milieu des flammes ; ils purent ensevelir les restes de leurs compagnons égorgés avec Retief. Dans sa retraite, et sans doute pour arrêter toute poursuite, Dingaan avait