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Le 3 janvier 1837, un commando (expédition), consistant en cent sept Hollandais, quarante Griquas à cheval et soixante sauvages à pied, quitta Tchaba-Uncha, guidé par un prisonnier matabili, qui ne voulut jamais se risquer à reparaître devant son roi. Prenant considérablement à l’ouest du point de départ, ils traversèrent presque à sa source le Hart-River, et tombèrent dans le chemin de Kurruman ; par cette manœuvre adroite, ils s’approchèrent des kraals de Moselekatse, précisément du côté où ce monarque devait le moins s’attendre à une attaque. Une gracieuse et fertile vallée, bornée au nord et au nord-est par les monts Korrichane, et formant un bassin de trois à quatre lieues de circonférence, renfermait le village militaire de Mosega et quinze des principaux kraals, dans lesquels se trouvait, avec une grande troupe de guerriers, le lieutenant Kapili, à peine guéri d’une blessure au genou reçue dans le dernier combat. Ce fut là que se dirigèrent les Hollandais. Dès que les premiers rayons du soleil éclairèrent cette matinée du 17 janvier, si célèbre dans les annales des émigrans, la petite bande de Maritz sortit tout à coup en silence d’un passage caché dans les montagnes, et avant que le soleil atteignît le zénith, les cadavres de quatre cents guerriers choisis, la fleur de la barbare chevalerie des Matabilis, jonchaient la vallée ensanglantée de Mosega. Aucune créature humaine ne se doutait du danger, et le trou que fit une balle dans le contrevent de la chambre à coucher d’un des missionnaires américains fut le premier avertissement de l’attaque méditée. Un de leurs domestiques, Bechuana converti (Baba, qui servit d’interprète au capitaine), fut pris pour un Matabili, et poursuivi de si près, qu’il n’échappa qu’en plongeant dans la rivière comme un hippopotame… Les sauvages coururent aux armes à la première alerte, et se défendirent courageusement, mais ils tombèrent comme des moineaux à mesure qu’ils sortaient des retranchemens, car aucun d’eux ne put, avec sa javeline, percer la cuirasse de peau de bœuf qui couvrait la poitrine des Hollandais. »

Moselekatse ne se trouvait pas là ; enflé par le récent succès de ses campagnes, ce despote, retiré à Kapain, songeait tranquillement à sa gloire, et c’en était fait de lui si Maritz eût porté plus loin ses pas victorieux ; mais il se contenta de ramener sept mille têtes de bétail et ses chariots : les missionnaires revinrent aussi à Thaba-Uncha, ils craignaient avec raison le ressentiment de Moselekatse.

Le capitaine Harris avait donc visité Kapain entre la victoire et la défaite des Matabilis, entre la déconfiture d’Erasmus et l’attaque de