fut assez encourageant pour que toute la troupe se préparât au départ. Une attaque soudaine faite par les Kafres retarda ce moment décisif, tout en le rendant plus désirable encore. À peine les hostilités eurent-elles cessé que trente familles, composant le premier détachement, se mirent en route sous le commandement de Louis Triechard. Afin d’éviter la rencontre des tribus kafres, les émigrans traversèrent au nord-est la Grande-Rivière, tournèrent les montagnes qui séparent la Kafrerie du pays des Bechuanas, pour descendre ensuite droit à l’est, dans les plaines de Natal ; mais hélas ! « ces monts présentent une barrière insurmontable : ce sont d’innombrables collines pyramidales entassées en désordre et de la manière la plus fantastique ; un pic s’élève et se dresse au-dessus d’un autre comme pour arrêter, entraver la marche de l’homme, et à plus forte raison celle de tout chariot roulant sur un essieu. » Aussi ces pionniers, ignorant la topographie d’une contrée encore si peu étudiée, dépassèrent de beaucoup la latitude de Port-Natal, et, à la fin de mai 1836, ils se trouvèrent, entre les 26e et 27e degrés, dans une plaine fertile, mais déserte, à l’est de la belle rivière traversée par nos voyageurs, qui coule doucement au nord-est, au milieu d’un pays plat, et se jette dans le Limpopo, dont les eaux se déversent au fond de Belagoa-Bay, à l’entrée du canal de Mozambique. Pour revenir au point qu’ils cherchaient, il eut fallu traverser les états de Dingaan, roi des Zooloos, c’est-à-dire affronter un redoutable ennemi dans une contrée éminemment insalubre ; et comme les pâturages, l’eau potable, le bois, le gibier, abondaient sur les bords de cette rivière et dans les plaines qu’elle arrose, Triechard et les siens résolurent de s’y fixer. Cet exemple fut suivi par d’autres détachemens qui s’acheminèrent avec leurs troupeaux au-delà de Great-River, à travers le désert, et sans autre détermination bien arrêtée que celle d’abandonner leurs anciennes demeures. Sourds aux avis des missionnaires rencontrés çà et là sur leur route, ils se répandirent imprudemment le long des rives fertiles et verdoyantes de la Vaal, en attendant que l’intérieur fût exploré et que leurs plans fussent ultérieurement arrêtés.
En mai 1836, deux petits détachemens poussèrent une reconnaissance dans le nord-est ; ils virent Triechard établi à Zout-pans-Berg, et, après un voyage de seize jours dans une région fertile et inhabitée, ils arrivèrent jusqu’aux environs de Delagoa-Bay, près de Conrad Bays, qui vivait au milieu d’une tribu de naturels désignés, à cause de la forme remarquable de leurs nez, par le nom de Knof-nosed Kafirs (Kafres au nez bossu). Satisfaits de leur exploration, les deux