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avant ; le cou est garni d’une crinière, la queue touffue à son extrémité. La femelle n’a pas de bois. Enfin, un soir, après s’être, avec l’aide des sauvages, fortement retranchés, de peur des lions, chaque nuit plus nombreux, les chasseurs, campés sur une hauteur, mirent le feu aux herbes de la plaine pour refouler les éléphans dans un endroit donné ; ils avaient vu la veille trois lionnes couchées près du cadavre gigantesque d’un de ces animaux, et, en avançant, ils trouvèrent le sol horriblement foulé par les pieds d’une troupe nombreuse qui avait pris sa route vers les montagnes.

Les monts Kashan, courant nord et sud, renferment les sources de toutes les rivières qui se déversent à l’ouest dans l’Atlantique, à l’est dans le canal de Mozambique. Une population heureuse de Bechuanas occupait ces contrées avant que Moselekatse l’eût détruite ; un faible reste des tribus conquises habite encore ces rocs creusés par des torrens innombrables, et ce fut un sauvage de la nation des Baquanas, haut de près de six pieds français, qui vint annoncer aux deux voyageurs la présence d’une belle horde d’éléphans. Aussitôt, traversant des forêts remplies de babouins, ils arrivent sur la trace, mais des jours se passent avant qu’on puisse atteindre la bande ; rhinocéros blancs, hyènes, sangliers, buffles, se lèvent devant eux ; aigles et vautours planent sur leurs têtes ; ils vont toujours. La mousson verse ses pluies, le tonnerre gronde avec fureur, ébranlant les montagnes ; les éclairs illuminent un horizon de ténèbres effrayantes ; les bœufs se perdent dans l’obscurité ; les chariots, battus par la tempête, vacillent sur les essieux, s’enfoncent dans les sables des rivières ; les chevaux sont dans l’eau jusqu’aux genoux, sur un sol détrempé ; enfin, à la première éclaircie, la trace perdue se retrouve, elle est plus fraîche, l’éléphant est là. Laissons le héros de la chasse parler lui-même : « Là, à notre inexprimable satisfaction, nous découvrîmes un grand troupeau de ces animaux long-temps cherchés, qui broutaient nonchalamment à l’entrée du vallon ; notre attention avait été dirigée de ce côté par une forte émanation que nous apportait la brise. N’ayant jamais vu le noble éléphant dans ses forêts natales, nous fixions nos regards sur lui avec un indicible intérêt ; Andries était si agité, qu’il ne pouvait articuler une parole. Les yeux ouverts, les lèvres tremblantes, il poussa enfin ce cri : Dar stand de oliphant ! Deux Matabilis furent envoyés vers les éléphans pour les amener en bas dans la vallée, que nous remontâmes lentement, sans bruit, contre le vent. Arrivés à trois cents pas environ, nous pressâmes nos chevaux et prîmes une position plus élevée, dans un vieux